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LES ÉDITIONS LUCIEN VOGEL
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-Les Couturiers cités ci -dessous par
ordre alphabétique ont contribué à londer
cette vj-azette, ou lui apportent, en outre,
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_^*^_p«^, ^g^j?*^ ^j^^^-j^w^ .^rç-jP*^ ^srqj-ptv, ^rt^-ytv^ ^to^**-. ^xt^p***.
SOMMAIRE DU NUMERO 4
JMai 1920 3 e Année
DERNIÈRES VOITURES Robert BURNAND.
Dessins de Jacques BRISSAUD.
VOUS AVEZ VU... CETTE PETITE... (Horé-lexte) .... par SIMEON .
i83o Emile HENRIOT.
Dessins de Pierre BRISSAUD.
PSYCHOLOGIE DE LA PARURE Georges- Armand MAS S ON.
Dessins de BENITO.
LA DÉCOUVERTE DE L'ILE TORQUATE, DE SON INFLUENCE
SUR LES TRADITIONS DU DANDYSME DANS LES VIEUX
PAYS PIERRE MAC-ORLAN.
Dessins de Ch. MARTIN.
LA BELLE TORQUATIENNE (Hors-texte) par Ch. MARTIN.
MANTEAUX POUR LA MER ET LAUTO Gérard BAUËR.
Dessins de ZYG-BRUNNER.
RONFLONFLONS Marcel ASTRUC.
Dessin, de BENITO.
LE POISSON DARGENT (Hors-texte) par Maurice LEROY.
RAPPORT DE M. D'HOZIER, JUGE GÉNÉRAL DARMES DE
FRANCE, A S. E. LE PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE
FRANÇAISE, SUR LA NÉCESSITÉ PRESSANTE DE FAIRE
ENTRER DANS LA NOBLESSE MM. LES NOUVEAUX ROUÉS
DE LA FORTUNE Jean de BONNEFON.
Dessins de LORIOUX.
CHILDREN'S CORNER LOUIS-LÉON MARTIN.
Dessins de MAGGIE SALZEDO.
PLANCHES HORS-TEXTE
LA FLEUR D'OR. — Robe du soir, de Wortb par ZYG-BRUNNER.
RENTRONS. — Robe de plage, de Béer par Pierre BRISSAUD.
CENDRILLON. — Robe du soir, de Dœuillet par André MARTY.
LA FÊTE EST FINIE. — Robe d'organdi et robe de fillette, de Jeanne Lanvin.
par Pierre BRISSAUD.
MIRAGE. — Robe du soir, de Paul Poiret. ....... par MARIO SIMON.
ROBES POUR L'ÉTÉ 1920. — (Panorama de onze croquis hors-texte).
par Raoul DUFY.
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et
DIVERTISSEMENTS
par
Georges LEPAPE
Ce premier Recueil est composé de 24 Planches tirées en phototypie
et coloriées au patron, contenues dans un cartonnage d'un goût char-
mant. Chaque planche reproduit le dessin d'un des costumes
imaginés par l'artiste pour Le Ballet deà Marionnelleà et le spectacle de
L'Enfantement du Mort.
Prix du Recueil avant la parution : J& francs
3o, Boulevard Haussmanii, 3c
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The élégance of some French Mondaine in bygone days is suggested bj thèse
créations, designed by two of the Bon Ton couturiers. The toilette to the left is
glorious embroideries of red, green, yellow mingled with gold thread. To the right is a tulle gown
beaded with crystal rings of black, grey and white over a sheath foundation of satin. Our evening
gowns set the fashion at every social function of importance.
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Au théâtre, comme à la ville, les créations
Técla encadrent la beauté d'une femme.
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D
V
ernieres
Voi
tures
ANS l'air transparent du jeune printemps, j'ai pris
une joie fervente à me retrouver avenue de l'Im-
pératrice et à promener mon rêve dans l'allée
sacrée, entre la porte Dauphine et l'avenue
*'/?// K^fllô Malakofî. Un joli soleil tout neuf riait aux yeux
des |femmes : sous les tendres frondaisons, se déroulait une
guirlande d'adorables toilettes, et j'ai compris que s'il est,
dans la vie, des plaisirs enEévrés, de folles ivresses, des
enthousiasmes, du lyrisme, il n'est pas de joie plus délicate,
plus subtile, qu'à monter et descendre l'Avenue du Bois entre
onze heures et midi et demie. C'est là que, tous les jours,
se manifeste la beauté éternelle. Le rite de la promenade quo-
tidienne y a quelque chose d'impérieux, à quoi des initiés ne
sauraient faillir. Je connais une jeune femme charmante, illo-
gique par ailleurs et délicieusement fantaisiste, qui m'a dit
gravement : " Je suis très courageuse, je vais au Bois tous
Copyright Mal 1920 by Lucien Vogel. Parla
les matins ". Ainsi,
elle avait conscience
d'exercer son devoir
social, en apportant
à la foule obscure
l' enchantement de
sa beauté. Mais il
n'est pas que les
femmes, et les toi-
lettes, et les autos
pour enchanter nos yeux. Des grâces archaïques subsistent,
qui nous ravissent.
Ainsi des voitures, et des chevaux. Croit-on que l'on
goûterait pleinement le spectacle du Bois, si, à côté de la foule
étincelante des autos, ne passaient encore, sur le sable doré de
l'allée cavalière, des pur-sang, des irlandais au souple galop
rassemblé, et de merveilleuses amazones? Dieu me garde de
jouer les barbons, mais que les autos sont donc banales et
lourdes et imperson-
nelles auprès des
beaux carrossiers
qui steppent!
Le moyen, je
vous prie , chère
amie, de donner à
sa limousine un petit
cachet à soi? Quel-
ques fleurs rares
dans un porte-bouquet, un berger de Malines sur le siège, et
votre parfum imprégnant les coussins? C'est pitié : au lieu qu un
noble attelage, au trot rythmé, mais point rapide à l'excès, laisse
à chacun le loisir de vous admirer, ce qui importe avant tout.
De deux choses l'une : ou l'auto est fermée et que verra-t-on
de vous, derrière les glaces? Un bout de visage, le haut d'une
robe : autant dire rien. Ou l'auto est ouverte, et vous voilà
contrainte aux écharpes, aux voiles, au redoutable manteau
i o3
de laine. Tandis que dans une victoria, vous vous en irez,
bercée à souhait, à écouter le bruit alterné des sabots
sur le pavé, que je préfère aux borborygmes des plus
puissants moteurs. Croyez-moi, toutes les Rolls Royce de la
terre ne valent pas ce phaéton du haut de quoi l'on se sent
le souverain du monde, ni ce tonneau que conduit, les rênes
hautes, une petite femme en tailleur clair. Elégances d'autrefois,
grâces désuètes, gourmettes éblouissantes, harnais au miroir,
œillets rouges au frontal... Qu'il est donc charmant, quand on
conduit soi-même, d'arrêter sa voiture pour saluer une blonde
amie ! Qu'il est beau de maintenir en un geste puissant un atte-
lage qui s'impatiente, et de ponctuer d'aimables propos par
mille arabesques tracées au fil du fouet !
Sous la lumière légère, les voitures filent, se croisent,
passent et repassent, et les rayons des roues lancent mille feux.
Devançant un tandem dont le cheval de flèche esquisse un
petit one step, un fox s'acharne à la fuite aérienne d'un oiseau.
Et quand luira le grand soleil de juin, dans l'apothéose
des drags, les mails défileront l'un après l'autre, offrant
à l'admiration du populaire les joues gonflées du valet
qui sonne de la trompette, semblable à l'une de ces
divinités marines sculptées à la poupe des vaisseaux du Roi.
Robert Burnand.
104
****** $ AYB^
ciwr^ËfiFfB
Robe de promenade en Parqueéine de Rodier
Gazette du Bon Genre. — N° 4
Mai 1920. — PI. 24
( tfe'^
i83o
^'est la mode nouvelle, Mesdemoiselles. Vous porterez
des pantalons dorénavant ; et afin que nul n'en ignore, ces
pantalons seront si longs, si longs, qu'on les verra dépasser le
bas de votre jupe. Ils tomberont tout droit, comme ceux qui
vous amusaient tant naguère, autour des jambes de vos
poupées ; et naturellement ils seront faits de la batiste la plus
fine, du plus délicat "voile- triple", impalpables comme le nuage,
avec une ruche, des plissés, de la dentelle. Ainsi culottées,
vous donnerez à rire à vos amis, et le plus savant (s'il s'en
trouve) vous fera rougir, dans les coins, en vous rapportant
la raison pour laquelle, aux environs de 1825, Monsieur le
vicomte Sosthène de La Rochefoucauld, alors surintendant
des beaux arts, prit gravement un arrêté qui obligeait les
io5
danseuses de l'Opéra
à porter sous leur tutu
des pantalons pareils
aux vôtres, qui leur
devaient descendre
jusqu'aux pieds. —
L'Histoire ne dit pas si
l'Opéra fit ses affaires
cette année-là. Mais
on en doute.
Vous mettrez donc
des pantalons — par
romantisme. Et vous voyant de cette sorte, le charmant
Frago n'aurait certes plus l'idée de Y Escarpolette.
Mais croyez-vous que ce petit détail de lingerie
intime soit suffisant pour vous faire ressembler à
l'aïeule de votre grand'mère? Il vous faudra
aussi changer de nom, Simone, Francine,
Lucienne : et pour être tout à fait à la mode,
vous appeler Adélaïde, Ondine, Eléonore,
Mélanie, Clotilde, ou Alida. Vous coifferez vos
beaux cheveux en torsade et en vague, avec de
hauts chignons, des coques, des anglaises. Au-
dessous de vos épaules désormais tombantes
vous porterez de vastes manches à gigot, et
jusqu'à vos chemises de nuit en devront avoir.
Vous troquerez vos gentils chapeaux si com-
modes, qu'on enlève et met en un tournemain,
contre de larges capelines, et même il vous
faudra coiffer la toque à créneaux, nouer à votre
cou le fichu, le châle, la berthe et le voile de
106
blonde, consentir à porter tablier, joindre une aumônière à
votre ceinture ; et au lieu de perles, adopter quelque simple
collier de corail. Vous vous trouverez dans l'obligation
d'agrafer votre corsage à pointe avec une grosse broche où
figurera un énorme et pesant camée. Enfin,
il conviendra que l'on vous fasse un trou
dans le lobe charmant de l'oreille, afin d'y
suspendre un raccourci de lustre, qui sera
fait de cristal ou de jais. Et ce sera le comble
de l'horreur. — Quant à la couleur de vos
robes, vous n'aurez
que le choix entre
TA.
ces bizarres nuan-
ces : eau du Nil,
souris effrayée,
araignée méditant
un crime, puce rê-
veuse, et fumée d'enfer. Vous aurez
des turbans Sylphide, des écharpes
en taffetas Vague du Danube ; vos
gants seront vert arrosoir, et votre
107
bonne répondra au doux prénom médiéval de Gertrude
ou de Malvina.
Seulement voilà, Mesdemoiselles : il vous manquera
quelque chose pour être tout à fait gothiques à la mode de
M me Lafarge... Il vous manquera d'être poitrinaires, car
il n'est pas de romantisme sans pâleur. Or, cette damnée
époque où nous vivons a quelque chose d'assez bon : elle
a découvert la santé. Votre teint est rose, Fabienne ; et vous,
Maggy, quand vous courez, votre jupe courte et favorable
au sport laisse voir une jambe ronde, musclée, solide; vos
joues sont drues comme les pêches de plein-vent. C'est le
tennis, le golf, le cheval et l'automobile, le footing au Bois,
le luge à Chamonix, la nage à Deauville, qui vous ont fait
ces belles couleurs, cette chair saine à
l'aspect comesti ÉS&. ble '> et comme un
sang qui circule 1r~*r ^ en ne ^ s P ose a
aucune vapeur, ^J\ vous avez l'esprit
le plus positif qui /"^T/// ^v /J$T\ se puisse imaginer;
on ne vous la fait l *~/^jp — "^ff (Â P as au sent i men t,
et dans votre petit /^gj^^i If cœur raisonnable
et bien accroché, Ar j \ y il n'y a plus de
place pour la moin / \ dre mélancolie. La
dôdôdperanza n'est / \ pas votre fait.
Vous en prendrez / \ votre parti.
Emile Henriot.
108
PS
PARURE
ÉMY de Gourmont assure que l'âme et la cheve-
lure sont toujours de la même couleur. On
pourrait trouver entre le cœur d'une femme
et la robe qu'elle choisit, une corrélation non
moins vraisemblable. J'ai souvent rêvé de
dresser la table de ces rapports psychovesti-
mentaires, si j'ose ainsi parler. C'est un de
ces chers projets dont tout Fagrément est en ceci, qu'on ne
les réalisera jamais. Il y aurait pourtant, sur ce thème de
mathématique sentimentale, un bien
aimable opuscule à écrire,
pourrait être édité, sur papier
cuisinière, dans cette collection (
la Clé deé Songej est le très docte
ornement : «r Lie Caractère dévoilé
la parure ».
Tout, dans l'art de la
toilette, n'est qu'aveu et
Ldont
109
qu'allusion. L'étofïe de la robe
interprète la femme ; la parure
est une confidence supplémentaire.
Ce n'est pas sans dessein que
Simone a fait coudre au poignet
de ses gants ce même
effilé qui décore le
satin de son chapeau.
Simone a ses raisons
que notre raison ne
connaît pas. Si nous
ne comprenons pas
toujours le bavardage des dentelles et les indiscrétions du
taffetas, la faute en est à l'infirmité de notre entendement.
Sherlock Holmes, ayant examiné le petit doigt d'une dactylo,
déterminait sans hésiter, et la marque de sa machine et
l'âge du marchand. Si nous apportions à ces investigations
la sollicitude convenable, nous devrions, au seul aspect du
gant que nous baisons, nous estimer renseignés sur le
caractère de notre visi-
teuse, le grain de sa peau,
le goût de sa bouche.
On a tort d'assigner à
la mode les caractères du
hasard. Dans
l'art de la toi-
lette, comme
dans tous
autres arts, si
le caprice apparaît souverain, c'est aux
yeux de l'observateur superficiel. La
mode et ses désirs sont réglés par la
lune, me dites-vous? J'y donne les
mains; mais pour être mal connus,
croyez-vous que les dogmes de l'esthé-
tique lunaire en soient moins
inflexibles? Pythagore avait
raison d'assurer qu'en toutes
choses la nature est géomètre.
L'artiste se conforme sans
faute à cette loi, et le tact du
bon couturier n'y saurait
contrevenir. Si quelque Edgar Poë de la rue de la Paix
entreprenait d'écrire la Genève d'un coutume, il ne manquerait
pas de noter, à l'origine de sa création, un décret de ces
mêmes volontés toutes puissantes qui président à la naissance
des poèmes et des cristaux.
Les principes traditionnels de symétrie,
d'équilibre et de répétition gouvernent,
dans le choix de leurs robes, les iris et les
orchidées, qui se font habiller chez Redfern,
ou les paons, ces merveilleux
modèles de Poiret. Et il n'est
pas jusqu'aux fleurs vulgaires
et aux animaux plébéiens qui
ne s'y soumettent attenti-
vement. Un docte traité
d'ornementation en donne
pour exemple « la répétition des gonan-
gies dans le cladocarpe flexueux ». Loin
de moi l'intention discourtoise de pro-
poser pour modèle à des Parisiennes un
fruit au nom si scolastique.
Tout de même, comme ce
cladocarpe fournit à ma
thèse un argument plaisant
et flexueux...
L'esprit et le cœur de
l'homme se réjouissent dans
la répétition. Le regard voluptueux aime à voir se confirmer
dans les cheveux ce que le poignet et la cheville prétendirent.
Ainsi, dans un paysage bien ordonné, se disposent les
« rappels » de couleurs; ainsi, dans une cathédrale de style
pur, la rose de la façade prend soin de
refleurir au transept.
Dans une toilette conçue par une ima-
gination d'artiste, à la façon d'une sonate
ou d'un poème, on retrouve le même balance-
ment. La Valenciennes répète la Valenciennes,
les broderies se font écho. D'obscures et
troublantes « correspon-
dances » s'établissent.
... Leé plumet, leé rubans et Un
\ fleura ée réponde ni
Danà une ténébreuse et profonde
[unité ...
Georges -Armand M AS SON.
112
Gazelle du Bon Genre. — JV° 4
Mai 1920. — PL 25
i:
DÉCOUVERTE DE L'ILE TORQUATE, DE SON
INFLUENCE SUR LES TRADITIONS DU DAN
DYSME DANS LES VIEUX PAYS.
["'ÉPOQUE inquiétante, dont nous sommes les contemporains mélanco-
-■— t liques, en augmentant les salaires des plus sots, peut, à la rigueur,
affiner l'esprit et les sens des plus subtils. La découverte de l'île Torquate
par un capitaine de navire, bien servi par le hasard, apportera dans notre
société des modifications dont il faut tenir compte dès aujourd'hui.
L'île Torquate, comme son nom l'indique, est semblable à un atoll dont
la lagune interne aurait cette île pour noyau. Il fallut briser l'anneau de perles
fines la protégeant contre l'indiscrétion des aventuriers barbares pour
permettre à ceux-ci de pénétrer dans cette île prodigieuse où l'élégance est
obligatoire, tout en restant laïque, jusqu'à l'âge de soixante-dix ans. La
délicatesse naturelle aux habitants de cette île est telle qu'une jeune fille,
appartenant à une classe modeste de la société, s'évanouit à la vue d'une
photographie ex ^-^ traite d'un journal
agricole et repré ."^ BÏÉ^t^ sentant une meule
de blé avec ses 4^//^j '-' /^ > É^ constructeurs.
L'agriculture v/T/f^^^^lA e ^ ^ es ^ ravaux ma ~
nuels qui n'ont pour v ^J/auïïû ^>ÈÈla!^^^ hut ( ï ue d'être
utiles sont considé ^*^^ ///(a\\w1 )l4 ^^. r ^ s comme indé-
cents. La vue d'un ^^(^pMj)))) , ^)fcTl^dk champ de blé pro-
voque chez les insu / ((\M 'Ji$fr%WL laires des troubles
psychiques que l'on JÊËÊT (((//(( A I v I H punit de prison. La
nature est d'ailleurs WÊÊM — i-uliii / * I ) If H complice de ce que
nous considérons comme des
excès, en offrant ses fruits avec
abondance, une abondance
décorative, supprimant d'un
seul coup tous les efforts des
hommes en ce qui touche l'art
de présenter les aliments.
«s «
11 est inutile d'insister sur
les rapports sociaux des habi-
tants entre eux. Les gens ne
se rencontrent et ne s'accou-
plent que dans un but esthé-
tique comme le jaune s'allie au
violet et le rouge au vert. La
théorie des complémentaires
et des accords règle les senti-
ments des deux sexes, et
l'amour n'apparaît, en dehors
des satisfactions sensuelles
communes à la race humaine,
que telle une heureuse
symphonie.
Donc l'île Torquate vit
dans le calme que procurent
les plaisirs librement prati-
qués. Le travail manuel,
rigoureusement interdit par les
lois, ne permet pas a l'imagi-
nation des Torquatiens de
concevoir des gestes regretta-
bles. On se meut à l'aise au
milieu des parfums fournis par
l'État, et chacun se recueille à
loisir pour embellir la personne
des uns et des unes grâce à
des complications de plus en
plus précieuses.
114
C'est ainsi que les jeunes
filles ont les cheveux teints de
couleurs appropriées, ce qui
n'est pas nouveau. Mais les
belles personnes se font ciseler
les dents et graver sur les
ongles des devises symboliques,
ou des fleurs également sym-
boliques. Une fille se rappro-
che de plus en plus de cette
image vulgaire que la femme
est un bijou. Elles acceptent
cette image à la lettre et trans-
forment la nature en lui
prêtant les ressources de leurs
créations.
Quand nous étudierons le
détail de leur beau corps, à la
manière de ces poètes du
XVI eme siècle décrivant par le
menu les filles de France dans
leurs blasons et contre-bla-
sons, nous verrons à quel
point Torquate luit comme une
pierre merveilleuse dans l'écrin
vert des eaux de la mer océane.
Il y a un peu plus de
cent ans les souples métisses,
par le truchement des naviga-
teurs de S 1 Malo et de Nantes,
révélèrent aux femmes de
France des artifices de coiffure
et des bijoux rococos et char-
mants. Chacune, parmi les
belles de Paris, devint une
manière d'esclave indolente
asservissant le cœur des che-
valiers. Le négrillon remplaça
le page et plus tard Joséphine
de Beauharnais apporta dans les salons les plus élégants de Paris la manière
puérile et charmante de supprimer les r, comme il était d'usage, là-bas
sous les cocotiers du pays natal.
L'île Torquate, se laissant découvrir après l'influence incontestable des
pays de race nègre dans la sculpture, la décoration, et le sabir littéraire,
offre un trésor à peu près intact où l'on pourra puiser pour indiquer des
routes nouvelles.
L'art persan a vécu dans la mode... de même les réminiscences du passé.
Les Japonais sont éliminés depuis longtemps : il reste les Torquatiens. Le
hasard peut être béni quand il mène à de telles découvertes.
Il faut désormais qu'une fille de qualité, qui par définition doit être souple,
se laisse persuader qu'il faut faire de sa chevelure une véritable œuvre d'art
en la tressant avec des soies de couleurs ; qu'il faut utiliser ses yeux, comme
des lampes ; ciseler ses dents, ainsi que des ivoires japonais ; orner ses
ongles comme des dessus de bonbonnières romantiques ; travailler sa peau par
la mosaïque. Les vêtements s'inspireront désormais d'une esthétique nouvelle.
Un détail parfois devra l'emporter sur l'ensemble quand sa rareté l'exigera.
Les Torquatiens expriment dans leur toilette et le culte de leur corps, la
valeur intellectuelle de l'île.
Que l'on considère que cette île, où le laboureur est pendu et le terras-
sier écartelé vif, a dû faire un pas formidable vers les buts les plus reculés de
la question qui nous préoccupe.
C'est ainsi qu'une jeune fille de l'île Torquate s'habillera : à la manière -
de - la - jeune - fille - qu'il- ne - faut -pas -perdre - de - vue, et qu'un homme du
même monde prendra le costume : de -la -liberté -inutilisable.
Le tout avec des complications littéraires apportées quotidiennement
par la clique des meilleurs auteurs de l'île Torquate.
PIERRE MAC ORLAN.
poux tCL VOlQX^-QL lauuto
VOUS voilà satisfaite, "orgueilleuse de votre goût et de votre
ingéniosité. Vous me forcez à admirer l'exposition des
manteaux que vous avez assemblés pour la mer, pour l'auto,
et pour vos promenades sylvestres. Vous me les mettez sous
les yeux, d'un coup, sans précaution et vous semblez me dire
malicieusement : « Regardez-les, puisque dans deux mois vous
ne serez pas là pour les voir... Celui-ci est fait d'un drap
épais, cassant et souple tout à la fois, surmonté d'un grand
col de chamois, indolemment attaché avec des lacets rouges.
Lorsque j'apparaîtrai vêtue de la sorte, j'aurai l'air d'un jeune
bourreau... Cet autre, vaste et flou, taillé dans une bure
de capucin, se termine par un capuchon auquel un écolier
malicieux aurait attaché un gland et de longs effilés de soie
violets. Celui-ci est pour l'auto, cet autre, léger et souple,
117
est pour le yacht. Il semble avoir de
grandes ailes blanches. » Et vous tenez à
ce que je vous évoque, debout sur le pont
en bois de teck, le nez au vent marin,
immobile, argentée et satisfaite, comme
une mouette posée sur une vague sous le
soleil
Eh bien! ce que vous faites là est sans charité ; que
m importent vos manteaux, vos capes, vos falbalas, puisque je
ne serai pas là, puisque je ne peux pas être là pour les voir.
Le temps est fini où il m'était permis d'être près de vous,
sans indiscrétion, de vous admirer sans vous compromettre,
de sourire de vos fantaisies et de défendre votre goût devant
vos amies, promptes à le trouver trop hardi. Les convenances
et le souci des préjugés me forcent à
me tenir éloigné de vos villégiatures,
et à ne pas monter, fût-ce pour une
portée de taxi, dans votre voiture
fringante. Alors, je vous en prie, ne
me donnez point le désir de joies
auxquelles je ne participe plus, ni la
vue de parures qui vous feront belle
pour d'autres.
Voulez- vous que je vous dise
les choses comme je les pense,
-~— —
sans jalousie? Je ne
les trouve pas jolis,
vos manteaux.
Comme cela, sur ce
divan et sur ces
fauteuils, vides de
votre corps, ils ont
l'air de défroques de
toutes les époques,
empruntées au
magasin d'accessoires d'un
théâtre de province . Vous faites
'la moue, vous êtes très mécon-
tente de ma comparaison? C'est
entendu. Mettons que j'y mette
du dépit. Cependant, recon-
naissez que naguère vous aviez, nous avions des
goûts plus simples. Le manteau de vous que j ai
le plus aimé était beaucoup plus modeste :
une mante ( oh le joli mot et la belle rime
vaste, très ample, d'une étoffe bourrue
et chinée, et doublée d'un doux satin.
Nous avions été en auto jusqu'à la
côte de Penmarch, sur ces rochers
formidables dressés au-dessus de la
mer comme des têtes de géants marins,
barbus d'écume. Nous nous étions
arrêtés devant la petite maison où, le
matin, Lemordant, artiste sobre et
puissant, venait peindre des études,
alors qu'une terrible blessure ne l'avait
pas encore plongé dans la nuit. Nous n'étions
repartis qu'au soir pour Audierne. L'auto
glissait sur la route dans le vent frais, parmi
les ombres qu'éclairait, d'instant en instant,
le regard bleu et profond du phare d'Eck-
mûhl. Je cherchais votre visage dans ces
apparitions, et je me penchais vers vous.
Fut-ce l'émotion, la brise du large ? je
frissonnais.
A votre tour vous vous étiez penchée
vers moi en me disant : « Vous avez froid?
N'attrapez pas du mal. Tenez, abritez-vous
dans ma mante. » Vous m'aviez tendu un très
vaste pan de ce man-
teau et je m'y étais
enveloppé. Nous étions l'un près de
l'autre, très près, comme deux enfants
frileux. Je serrais dans ma main, pour
la retenir, cette étoffe si douce, et je la
trouvais belle et complice. Comme je
l'aimais ce manteau! Comme, les jours
suivants, je le retrouvais avec un
plaisir amical ! Et puis soudain
vous l'avez abandonné... Vous
l'avez donné à cette femme de
chambre qui vous volait. . . Oh ! . . .
JVLais non, je ne suis pas fâché.
Oui, je vous aime comme en ce
temps-là... Et tous vos man-
teaux sont charmants . . .
Gérard BauËr. à
JCvonllonll
oniioniions
ONFLONFLONS, nomment- elles (les dames),
paraît-il, des petites hanches postiches qu'elles
portent par-dessus les leurs propres, pour
être ainsi parfaitement à la ressemblance
d'une amphore.
Encore fallait -il savoir que ce n'était
pas là leur forme naturelle. Ceux qui les approchent, les
heureux, sont renseignés sur cela — et sur le mécanisme des
poupées de Nuremberg, qui accomplissent les fonctions essen-
tielles de la vie, rient, crient, pleurent, dansent... surtout
dansent. Ceux-là sont les cœurs frivoles, les amants, les avertis,
et qui se rient de tomber sur un morceau d'osier là où ils
croyaient trouver une femme. Les autres n'ont de commerces
que conceptuels, et avec des héroïnes et des déesses. Les
simples mortelles,
singulièrement,
les écartent. On
dirait qu'elles les
traitent en trans-
fuges de l'au-delà
et gens sur qui
l'on ne peut se
reposer, toujours
prêts à lâcher
terre, pour re-
monter, souve-
rains, aux préten-
tieux empyrées
dont ils se ré-
clament à tout
propos citoyens.
Alors, pourquoi
viennent-ils vivre
sur la terre ?
Non, les
femmes n'ai-
ment pas les
poètes — qui
leur rappellent confusément un paradis perdu — et les poètes
n aiment les femmes que pour avoir loisir de gémir et soupirer.
Nous veulent-elles accorder, pour faire cesser nos plaintes,
ce que nous feignons de désirer... Ah bien, merci !.. Nous
courons encore.
Ils sont (ces ronflonflons) des petits coussinets, ou bien
des armatures flexibles d'osier, par-dessus quoi retombe la
robe (panj un mou-
vement de panierd,
comme elles
disent dans leur
algonquin, les
couturières). On
n'imagine pas des
choses pareilles
dans la cervelle
des poètes, où l'on
adore les pures
femmes de l'an-
tiquité parce
qu' elles s ont
mortes. Si les
poètes les avaient
connues, un clin
d'œil qui n'eût pas
été à sa place, un
mouvement de
sein qui ne se fût
pas arrangé dans
le paysage, une
parole qui n'eût
pas été, à ce moment-là, précis, la parole qui convenait...
catastrophe, regard glacé et gare à elles!... Lohengrin (celui
de Laforgue), pour bien moins que cela empoigne son beau
cygne aimé, et retourne, par la voie des consolants espaces,
au pays qu'il eût dû ne jamais quitter... Pauvre Eisa, adieu !
Revenons à ces ronflonflons. Je n'ai pas dit un mot des
ruches ou ruchers qui, placés au bas de la fausse jupe, prient
123
la jupe, la vraie cette fois-ci, de garder ses dis-
tances. On ne peut avoir la prétention d'apprendre
à qui que ce soit ce que c'est qu'une ruche.
Je le sais depuis cinq minutes. C'est un rucher
de taffetas à picots, plissé et refroncé sur un fil.
La simplicité même, comme vous voyez.
La dame qui regarde par-dessus le bord de
sa robe si l'objet qui a causé son émoi (une
souris sans doute) a disparu, le fin de son
vêtement de dessous est dans un gentil pantalon,
cerclé dans son intérieur. Je vous demande où
les ronflonflons vont se nicher.
La dame qui fait peur à son chien en faisant
hou. . . hou. . . du fond de sa jupe ramenée en suaire
sur sa tête et en agitant de longues mains de
fantôme, regardez sa jupe et sa fausse jupe, celle
de dessus et celle de dessous, enfin vous m'en-
tendez de reste. Un tour de boutons à pression
permet d'attacher plus haut la jupe (la vraie) : mouvementde vraies
faujjej hanches, alors, et effet de déparant de l'autre jupe (la
fausse) — ne nous égarons point. Voyez tout de même, ces cou-
turières, comment elles arriveraient à faire écrire un poète...
Marcel Astruc.
124
LE POISSON D'ARGENT
Gazelle Du Bon Genre. — N° 4
Mai 1Q20. — Pi. 26
APPORT DE M. D'HOZIER, JUGE GÉNÉRAL
D'ARMES DE FRANCE, A S. E. LE PRÉSIDENT
DE LA RÉPUBLIQUE FRANÇAISE, SUR LA
NÉCESSITÉ PRESSANTE DE FAIRE ENTRER DANS
LA NOBLESSE MM. LES NOUVEAUX ROUÉS DE LA FORTUNE.
Excellence, S. M. Dieu qui est pour les héraldistes plein de bienveillance
(car Dieu est un grand seigneur quoiqu'on en pense et le plus noble
que je connaisse), Dieu qui est mon maître pour l'éternité, m'a donné dans
son paradis une place honorable dans la bibliothèque céleste, près d'une
fenêtre, d'où j'aperçois le royaume de France et la Cour de France,
transportée dans la maigre demeure qu'on appelle assez comiquement le
palais de l'Elysée.
S. M. Dieu vient de pousser la bonté jusqu'à me permettre de secouer
aujourd'hui la poussière des siècles et d'écrire directement à Votre Excellence
comme je m'adressais au roi seul, sans passer par les ministres parce que
les affaires de la noblesse relèvent du Chef de l'Etat.
Les lois qui ont survécu au mécanisme des révolutions sont encore assez
fortes pour permettre à Votre Excellence de donner ou de confirmer des
titres ou des lettres de noblesse aux citoyens (le vilain mot I).
La gloire de la guerre a permis de ressusciter les maréchaux de France
et je ne pense pas qu'un héros puisse être maréchal, sans devenir gentilhomme
du même coup. Mais il ne s'agit pas dans ce rapport des récompenses
héréditaires que le Chef de l'Etat Français peut légitimement attribuer pour
perpétuer les noms glorieux.
Je crois savoir que sur son lit de
lauriers, sous les palmes du triomphe, la
France souffre d'impécuniosité. La monar-
chie comme la république a connu les
crises aiguës de cette maladie : de tous
temps sur les champs de bataille nous
avons cueilli plus de gloire que de béné-
fices. Parmi les remèdes que mes augustes
maîtres avaient trouvés, il en est un
d'excellent. Le roi donnait des lettres de
noblesse, que dis-je, imposait des
lettres de noblesse à ceux qui
avaient gagné beaucoup d'argent,
trop d'argent.
Les lettres patentes n'étaient
délivrées que contre de fortes
espèces; et l'interdiction de
continuer à faire commerce était
jointe au parchemin. Par vanité ou par peur, les enrichis ne refu-
saient jamais, car les tribunaux qui existaient déjà sous l'ancien
régime auraient été saisis de la cause et même du personnage.
Les fermiers généraux, les banquiers, les fournisseurs des
armées devenaient nobles par la vaillance de leurs écus. L'Etat et
les vrais gentilshommes leur faisaient l'honneur de leur emprunter
de l'argent sans leur rendre beaucoup d'estime.
On pourrait recommencer ; le jeu des boules qui est autorisé
dans toutes les villes de plaisir ou d'ennui, n'est pas plus honnête
que les boules des couronnes de comte que pourraient acheter les
nouveaux parvenus de la fortune.
Le principe, si j'ose dire, des nouvelles créations étant accepté, je
pourrais fournir à Votre Excellence une liste très complète de noms, propres à
l'anoblissement. Qu'il suffise de donner aujourd'hui quelques exemples choisis.
Le premier est M. Beauregard, pour qui la transition ne sera pas
brusque car il a déjà droit au titre d'Excellence. Il est le dernier amoureux
de la Comtesse du Barry que j'ai beaucoup connue. Pour le mariage de
cette dame on inventa des armoiries tout à fait en dehors de mes services.
M. Beauregard qui possède et orne avec amour l'ancien château de la favorite,
celui de Sardoine, pourra inscrire au fronton de sa demeure, au sommet
de son papier les armes de M me du Barry, d'azur au chevron d'or, portant en
cime un geai surmonté d'un G et accompagne en chef de deux roses et en pointe d'une
main dextre, en pal, le tout d'argent.
Une devise s'impose pour compléter ce beau dessin. Prenons-la dans
l'histoire : « France, ton café fiche le camp ». M. Beauregard prononcera ces
paroles avec beaucoup de grâce.
De M. Beauregard à M. Nèfle il n'y a qu'un tour de roue. Plaise à
Votre Excellence, donner à ce seigneur des armes très personnelles que nous
lirons ainsi : de gueules à la roue engrelée d'or, au chef d'azur, a trou
bonnets de Juif d'argent, éurmonlé du casque d'argent poli chargé d'un demi-vol
antique aux onze grenades dont quatre en éclaté ; l'écu posé en biais sous
le casque. Devise : L'engrenage ou la vie.
Avec M. Canne nous sommes en vieille France. Ce personnage
dont la seule tare originelle est d'avoir été journaliste en province
avant d'accepter la royauté du rhum, est un personnage riche qui
vit en gentilhomme sans l'être. Nous pouvons régler ainsi ses armes
d'office en modifiant la couronne de vicomte, ce qui est contraire
aux lois du blason mais ne présente pas d'obstacles immédiats.
M. Canne portera donc de sable au soulier de carnation, baillant
de même, tranché d'argent aux trois cannes à sucre de sinople. Couronne :
de vicomte ou j perles sont remplacées par 3 bouteilles de rhum. Derrière
l'écu : deux plumes d'oie d'argent posées en sautoir.
Les plaisirs de la table et ceux de l'amour sont également
recherchés. M. Vatel
du Râteau a procuré
l'un et l'autre dès sa
plus tendre jeunesse, il y joint
l'agrément du jeu ; résumons
cette carrière dans un écu plus
original que régulier, mais qui
fera connaître aux neveux de
nos petits neveux les origines
de M. Vatel du Râteau, duc de
Tout-Dauville, vicomte de
Grasse, coseigneur d'Ostende :
de sinople à trois râteaux d'or posés
127
en pal au chef d'azur charge d'un brochet d'or. Couronne : un bonnet de cuiéinier
d'argent orné de deux cornet du même. L'écu environné du tablier de cuidne d'argent.
Dev'uc : Je pêche en toutes mers. Cri : Par Le Tellier 1
Pour ne pas finir sur un parfum de cuisine, je signale à Votre Excellence
l'anoblissement nécessaire de M. Fleury. Il a renouvelé les formules des
parfums, a remplacé la qualité de l'odeur par la supériorité du flacon. Il a
eu le génie de faire accepter des prix que nos ancêtres ignoraient pour les
divins parfums à la bergamote, à la vraie rose, au véritable œillet.
M. Fleury est qualifié pour percevoir des Armes et un titre, car je crois
qu'il se fait annoncer dans le monde où il va, sous un nom allongé, qui n'est
pas le même que celui dont il pare ses étiquettes : d'azur au flacon d 'ammo-
niaque d'argent; l'écu entouré du chapelet d' argent et poâé dur la croéée d'or qui dont
de l'abbaye de Vertpré. Déçue : Qu'importe l'odeur pourvu qu'on ait le
flacon ! Cri : Ni fleurs ni couronnes 1
Je continuerai cet exercice s'il a l'heur de distraire Votre Excellence
de ses graves labeurs. En attendant, je prie Votre Excellence de me par-
donner d'avoir employé des mots qui ne sont pas conformes au protocole
nouveau de la France ; je n'ai pas trouvé dans la bibliothèque de S. M. Dieu
l'exemplaire du nouveau formulaire de la Cour de France et je m'en tiens
à celui des rois, encore qu'il soit trop simple pour les temps compliqués
qui voient commencer le règne de Votre Excellence.
Je suis avec le plus profond respect, M. le Président, de Votre
Excellence, le très humble et très obéissant serviteur et très fidèle sujet.
D'HOZIER.
Pour et par pouvoir tombé du ciel,
Jean de BONNEFON.
CHILDREN'S CORNER
ILS se promènent à pas comptés. Un abat-jour avec un
pompon; une cloche écarlate; entre la cloche et l' abat-jour
le vernis d'une pomme d'api; à chaque mouvement de la
cloche le fond d'un petit pantalon blanc : c'est Minnie. Poum
l'accompagne. Poum est habillé en bolchevik, ou à peu près.
Ses yeux reflètent les choses sans rien retenir. Mais Minnie
a l'œil — si l'on peut dire — et connaît la vie. Le temps est
maussade et la bise les " pince" dans leurs costumes qui
finissent tôt/ si tôt... Bobette passe, le maillet levé, à la
poursuite d'une boule récalcitrante. Minnie lance un regard
— jugé ! — et avec un petit rire sec :
— Tu as vu Bobette ?
— Eh bien ?
129
7m*
— Ce qu'elle est fagotée.
— Tu trouves ?
— Coutil, confection, io5,C;5 au Printemps. Une
misère !
Poum demeure silencieux. Poum oppose aux
subtiles observations de sa sœur une stupeur opaque.
Minnie s'énerve :
— Tu ne dis rien.
— Il ne fait pas chaud.
— De quoi te plains-tu? Toi, au moins, tu as une
culotte; tandis que mon pantalon, autant
dire qu'il n'y en a pas, alors faut voir. . .
Poum est très rouge. Poum est
choqué :
— Oh Minnie! tu n'es pas convenable.
Mais Minnie a le sens des responsa-
bilités. Elle s'emporte :
— C'est maman qui n'est pas conve-
nable. Pourquoi qu'elle commence à
m'habiller à la taille ? Si tu crois que nous
ne sommes pas ridicules.
— Parle pour toi.
— Oh! pour toi aussi! Il est écœu-
rant ton costume.
Poum a un argument. Il triomphe :
— C'est la mode.
— Bien sûr, c'est la mode... Au fond,
veux-tu que je te dise? Ce n'est pas pour nous
que maman nous habille. C'est pour elle.
Poum a coutume de ne pas s'étonner des
paradoxes de Minnie; mais, cette fois, il proteste :
— Comment, pour elle?
— Mais oui : pour elle ou pour son appar-
tement. Elle choisit nos costumes comme ses
coussins de divan, pour l'harmonie,
comme elle dit... Et ça peut aller
loin. Tiens, il y a quelque temps, elle
m'a emmenée aux Arts Décoratifs...
Ce que j'ai eu peur.
— Pourquoi?
— Dame! Tout le temps je me
disais : Pourvu qu'elle n'ait pas l'idée
de se refaire un ensemble ! Car,
alors, gare à moi!...
Poum commence à s'émerveiller
positivement :
— C'est drôle ! je n'avais pas
encore pensé à ça...
Minnie hausse les épaules :
— Parbleu! tu ne penses jamais à rien.
Puis, elle conclut, péremptoire :
— Vois-tu, Poum. Nous sommes des
enfants martyrs.
Poum est saisi d'une terreur folle. Il ne
bien ce que c'est
On lui a parlé de
sait pas très
qu'un martyr.
Saint-Denis
qui portait sa
tête... Cette image
le bouleverse, il
tremble, il a envie de
pleurer. Mais une belle madame les
regarde, Minnie et lui. Alors il se
contient... Voilà même que la belle
madame prend son face-à-main. Et voilà encore
qu'elle parle. Elle dit : Adorables, ces enfants I
Poum n'a plus peur. Poum est très fier.
Il envoie une bourrade à Minnie :
— Tu as entendu ?
Minnie a entendu. Mais Minnie
détourne la conversation. Elle montre petite Zon qui
passe avecune poupée dans ses bras, et recommande :
— Surtout ne la salue pas !
— Pourquoi? fait Poum.
Minnie s'empourpre jusqu'aux
oreilles et, très vite :
— On ne sait pas avec qui elle a
acheté sa poupée.
Louis Léon-Martin.
i3 2
LA FLEUR D'OR
LVobe du soîr, de WorlJi
Gazette
■N° 4
Mai 1920. — PI. 27
Robe de plage, de iieer
Gazette
■N° 4
Mcii 1920. — PL 28
mmà
LLQ]
Lolbe du soir, de Dœuillei
Gazette du Bon Genre. — N° 4
Mai 1920. — PL 2p
LA FETE EST FINIE
EvoLe d'organdi et robe ae pela te fille, ae Jeanne Lanvîn
Gazelle
-N' 4
Mai 1920. — PL. 50
Robe du soir, Je Paul Poire i
Gazette du Bon Genre. — N° 4
Mai 1920. — PI. 31
Rot
es
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té
9
20
LE PANORAMA EST
DE RAOUL DUEY. LES
SOIERIES SONT DE
BIANCHINI FÉRIER
ET CIE COMPOSÉES
PAR RAOUL DUFY.
Gazette du Bon Genre, N° 4. — Mai 1930. — Croqulà de XXI à XXIV
u
r *<-v- c .
X
**SCWi~-~.. "
PI ,X1 kZA-
-N*4- ^
EXPLICATION DES PLANCHES
PL 24. — Une robe de promenade en " parquetine" tissu de Rodier. Le bas des manche* et
de la jaquette dont garnie d'un large galon ' mohair" à gros damier.
PL 2 5. Jeune habitante de cette terre de Torquate, où l'esthétisme absolu n'est ni plus ni
moine qu'une i/iàlitution d'Etat, et la première. Elle eét donc vêtue et ornée suivant les meilleures
acquisitions de l'art et de la beauté. Ses ajustements, à les bien examiner, ne diffèrent pas tant,
mesdames, des vôtres. C'est donc que vous n'êtes pas si loin de la perfection.
PI. 26. — Deux robes d'après-midi. La robe à paniers est en "diallaine" et est garnie d'un
galon de laine. La jupe et la petite veste de la seconde sont en serge bleue, le dessous et les
manches sont en taffetas
PI. 27. — De Worlh, celle robe du soir en lamé bleu argent. Le petit corselet est brodé
d'argent. Le drapé est retenu aux épaules par des guirlandes de roses.
*
PI. 28. — Voici une robe de plage de chez Béer. La jupe est en lainage rayé bleu et blanc;
le paletot, assorti, est en tissu blanc uni.
*
PL 29. — Robe du soir, de Dœuillet, en taffetas noir, garnie d'applications de cretonne,
recouverte de Chantilly.
PL 5o. — De Jeanne Lanvin, une robe d'organdi mauve avec des palmes appliquées et un
nœud en taffetas marine. Le chapeau d'organdi rose est bordé de deux courts volants superposés,
l'un rose, et L'autre bleu marine. Et une robe de fillette en organdi rose, garnie également de palmes
appliquées en taffetas blanc. Le petit cabriolet est aussi en organdi rose ; les mêmes j>almes sont
appliquées sur le devant ; les brides sont en taffetas blanc „
PL 3i . — Jupe en tulle turquoise ; corsage en lamé argent brodé argent : Robe du soir, de
Paul Poiret.
Croquis de xxi à xxiv. — Robes d'été en tissus de soie fabriqués par Bianchini-Férier, sur
les dessins de Raoul Dufy. La robe saumon, placée à l 'extrême gauche , est en ' twill" imprimé; puis
viennent une robe en voile imprimé versicolore, et une troisième, couleur citron, qui est en
taffetas diaphane. Trois robes viennent ensuite, de gauche à droite, deux bleues, en "twill" imprimé,
et une rose, en taffetas 'libellule" . Les cinq robes qui occupent la partie droite du panorama sont :
la noire a damier, en satin imprimé ; la saumon" en crêpe imprimé ; la noire sans col, en salin
d'amour ; la bleue a carreaux, en crêpe imprimé ; enfin la rouge et bleue, en voile de soie imprimé.
>t* *j* »u. *j* *j« *j* «t« »$* jtt jj* *î« *|« *î» *jc *$* *i* *jt ji* *j« *i» *jt j* *r» ju ju. ju. «£« j&t jAt jt« ju, jj» jt* jî» jiji jXt *tt
Imp. Sludium. Jlarcel Rottembourg, Gérant.
N' j. — 1920
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CONDÉ NAST, PubLUber
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NEW- YORK U. S. A.
PARIS
LES ÉDITIONS LUCIEN VOGEL
LONDON
THE FIELD PRESS Ltd.
GENÈVE
NAVILLE et O*
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-Les L/Outuners cités ci -dessous par
ordre aTpnabéticjue ont contribué à fonder
cette Vj-azette, ou lui apportent, en outre,
avec leur collaboration, laide de leurs
conseils.
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C HERUIT
DOEUILLET
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Paul POIRET
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_-«^_p*v, ^t^ptv^ ,^^-^ïv, jd^nv, .^^tv, ^i^pw, -^tt-p^^v, .^cj^W, ^jr;-_^iy^
'QMMAIRE DU NUMÉRO 5
Juin 1920 3« Année
RÊVERIES SUR UN PAYSAGE Emile HENRIOT.
Dessins de LABOUREUR.
LE FRUIT VERT (Horé-texle) par BENITO.
LES BEAUX BRAS Eugène MARSAN.
Dessins de BENITO.
DU SABLE, DE LA VOLUPTÉ, DE LA MER Gérard BAUËR.
Dessins de Robert BONFILS.
BIJOUTERIE FÉTICHISTE j ean BERNIER.
Dessins de Roger FOY.
L'OISEAU MORT (Horé-texte) par L'HOM.
MODES TCHÉCO-SLOVAQUES Nicolas BONNECHOSE.
Dessins de L'HOM.
TRANSPARENCES Marcel ASTRUC.
Dessins de MARIO SIMON.
SPECTACLES Jacques PO REL.
Dessins d'André MARTY.
UN PEU... BEAUCOUP (Hon-texle) par SIMÉON.
FENESTRES ET CREVÉS Georges-Armand MASSON.
Dessins de JAQUES.
PLANCHES HORS-TEXTE
JOUERAI-JE? — Robe pour leâ Couréed, de Béer par Pierre BRISSAUD.
LES VOILA ! — Robe d'été, de Dœuillet par André MARTY.
VOYONS CETTE RÉVÉRENCE. — Robe d'organdi et manteau d'enfant,
de Jeanne Lanvin par Pierre BRISSAUD.
LA BELLE JOURNÉE. — Robe d'été, de Paul Poiret . . par Georges LEPAPE.
ROBE DU SOIR DE WORTH ... P ar Bernard BOUTET DE MONVEL.
AMÉNAGEMENT D'UNE LOGE D'ACTRICE. - (Quatre planchée boré-texte).
par SUE et MARE.
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R
êvenes smr un
p
aysage
j
E vous écris, Francine, au milieu des fleurs innombrables,
près de la mer éblouissante. Sous la terrasse où je pense
à vous, elle bat d'un flot continu des galets qui semblent
de marbre, et, au plus loin de l'horizon, elle se confond tant
elle est calme avec le ciel où l'on ne saurait distinguer la blan-
cheur d'une voile du vol aigu de la mouette. Autour de la baie
au flot métallique, un demi-cercle de montagnes forme un
anneau de pierre rose et violette, ça et là diamanté comme
d'une poignée de cailloux brillants, jetés à la volée, qui sont
des maisons. Sous l'émail de l'azur, les citrons et les manda-
rines pendent aux branches immobiles. Un lézard court sur un
balustre, et tandis que l'eau déverse au bord des rochers sa
frange d'écume harmonieuse, l'air vibre d'un grésillement de
chaleur et d'insectes. Parfois un souffle impalpable s'élève et
retombe aussitôt, chargé de trop d'arômes, lourd d'avoir courbé
trop de fleurs. Tout cela laisse au cœur un extrême engour-
dissement : c'est la volupté d'un précoce juillet, à laquelle on
n'est pas fait encore, et qui étonne. La pensée en est submergée,
i33
Copyright Juin 1920 by Lucien Vogel. Paru
l'imagination recouverte : on ne peut pas rêver dans ce pays,
Francine, et son implacable splendeur, pareille à celle de l'onyx,
a je ne sais quoi d'inhumain. Seuls des philosophes ou des
artistes épris de l'unique raison, comme étaient les Grecs, y
pourraient vivre sans malaise ; mais le sentiment y est vite '
étouffé, la sensation pure y domine trop, et pour penser à vous,
mon amie, au sein de cette dure lumière éclatante, il faut que
je ferme les yeux.
Alors je vous revois, Francine : je vous vois dans votre
jardin, pas bien loin de l'Oise argentée, errant sous les bos-
quets qui couvrent des allées pleines d'ombres légères... Là,
Francine, mon cœur est resté. Là seulement, dans le décor
réduit de nos humbles vallons, au bord de ces eaux transpa-
rentes, et sous ces arbres paternels, une nature affectueuse
sait accueillir nos rêveries et nourrir nos goûts romantiques.
Là notre âme trouve avec l'univers une harmonie à sa mesure,
et la volupté n'y fleurit que d'un excès de sentiment. C'est
le charme de l'Ile de France...
Nous sommes ainsi faits, Francine : une beauté rigide
nous étouffe, et sans la grâce elle ne saurait nous émouvoir.
Les spectacles désordonnés de la nature en imposent, mais ils
ne peuvent nous parler. On ne respire pas aisément sur les
134
montagnes, la mer m'a toujours paru monotone, et la seule
idée du Niagara ennuie. Mais le moindre vallon où vous
aurez passé, chère Francine imaginaire, en conserve à jamais
je ne sais quel sillage poétique et parfumé, qui nous le rend déli-
cieux. Ainsi la pelouse où Nerval " sur une grande place verte
encadrée d'ormes et de tilleuls " voyait danser en rond des
jeunes filles et donna à la belle Adrienne cette couronne qui fit
pleurer Sylvie. J'ai eu la mienne, dans le temps ; c'était au bord
du Sausseron, qui coule à Nesles. Le ciel y est fin, sensible,
un peu triste parfois, mais si léger à respirer ! De modestes
coteaux enserrent sans l'emprisonner ma vallée paisible : on y
vit sans effort, et la vue y a toujours quelque coulée aérienne
sur quelque nouvel horizon, où la pensée fuit. Ici, c'est un
village, avec ses toits de tuile ; là une vieille ferme... un peu
plus loin, une chapelle perdue dans les bois. Mais tout cela
— petite ville riante, à cheval sur la rivière, long rideau de
hauts peupliers au bord d'une route, lointains bleus ! — si
mesuré, si humble, si à sa place ! Vous vous promenez, vous
voulez rêver, seul, sans être distrait de votre amour, de votre
chagrin : ce doux paysage s'efface. Il ne s'impose point, il n'a
rien d'éclatant, de trop riche. Longtemps vous avez marché
au milieu de lui sans l'apercevoir, tout en vos pensées. Voilà
i35
que vous levez les yeux : il vous sourit ; vous le regardez :
il vous charme. Ces bois, ces courbes délicates du terrain,
ces collines gracieuses, ce vent modéré dans ces arbres tout
pareils à ceux que Watteau a mis dans les fonds de ses
assemblées champêtres vous disent alors : " Mais oui. . . nous
étions là I Mais nous respections ta rêverie, ô notre frère
humain, et tu ne nous voyais pas. Maintenant viens plus
près de nous, écoute nos voix mesurées... Auprès de nous la
pire tristesse devient supportable et finit même par ressembler
à du plaisir, le bonheur dure plus longtemps, la vie ralentit sa
marche rapide. Ici le cœur s'épanouit... "
Francine, il ne faut pas vivre comme des étrangers dans
le monde, indifférents au décor qui les enveloppe, et le consi-
dérant sans sympathie. Des fils secrets nous lient à toute
chose, et c'est aux poètes qu'il appartient de nous les décou-
vrir. Vous le sentez confusément, dans votre jardin^ et quand,
à minuit, accoudée à votre fenêtre et mesurant l'espace
immense où tout se confond, respirant l'odeur du chèvre-feuille
qui semble l'haleine des nuits, vous envoyez en souriant un
baiser au rossignol qui va chanter — non, vous n'êtes pas ri-
dicule. Ou bien nous le sommes tous les deux.
Emile HenrïOT.
i36
LE FRUIT VERT
Manteau pour le soir
Ciazclle du Bnn Qpnrp.. AT c
LES BEAUX BRAS
N ce lit de repos où il vous
recevoir, vous êtes belle assu-
rément, madame. Mais je
voudrais vous dire pourquoi.
Kt las de louer vos yeux et
votre visage, ainsi que votre
long pied léger, par-dessus toutes les beautés
de ce " corps féminin qui tant est tendre ", je
louerai en vous, même immobile, la beauté
du mouvement. Il faut donc que je chante
d'abord celle de votre bras. Chose admirable,
songez-y, qu'il vous suffise de déplacer à
peine votre épaule ou la main pour trahir
au regard la nuance de vos pensées !
Qui reposait tout à l'heure infléchi sur
le coussin moelleux c'était votre bras droit,
pareil à celui de la Danaé de Naples. Aucun
plaît tant de
iS 7
peintre n'a jamais peint le bras féminin avec
plus de bonheur que le Titien. Vous vous êtes
soulevée, toute rose, parce que je faisais de
vous un tel éloge, et d'abord vous avez porté
sur votre bras, le même, tout le poids de
votre être, à peu près comme la belle personne
qui représente Y Amour profane, puis, touchant
vos cheveux, et ressemblant déjà à l'une ou
l'autre des Vanités, vous avez jeté sur un
lointain miroir , parfaisant la ressemblance, ce
beau regard variable : inquiet, clairvoyant,
heureux avant que de se perdre dans une
rêverie.
Et je me suis pris à rêver moi-même,
songeant amèrement que je ne vous verrais
jamais les bras de
la ^Madeleine repentie
(qui est à Florence),
refermés sur sa
beauté.
Mais vous
m'avez fait signe
que non, vous
m'avez dit que vous
vouliez une parole
plus utile, puisque
c'est aux femmes de
Botticelli qu'il vaut
mieux vous comparer, comme cette
héroïne de M. Marcel Proust.
Ecoutez -moi, pourtant ! Ni cette
i38
Danaé que je disais ni! 'Antiope du Louvre
ne sont si grasses que le goût que vous
avez avec tout notre siècle se doive
alarmer, et la hanche a bien chez elles
cette ligne effacée que vous préférez.
Considérez aussi qu'il se pourrait un jour,
et plus tôt que vous ne
croyez, peut-être, qu'une
variation de la mode vous
donnât un autre goût :
d'une beauté plus
épanouie et, pardonnez-
moi, plus divine.
Alors le Titien vous
sera un répertoire
inégalable,
dont vous
me remer-
cierez, si
vous vous
rappelez
encore que
j en fus l'inventeur. Alors, comme aujour-
d'hui, la terre n'ayant pas cessé de tourner,
vous prendrez le même plaisir, Eve, à
draper d'étoffe le beau bras que voilà,
à le laisser deviner sous le voile, à le
cacher dans la gaine d'un riche manteau,
i3g
à imaginer, pour dire
enfin le petit mot que
vous attendez, la belle
forme d'une manche.
Cœur avide, vous ne
vous contentez pas d'une
seule, au dessin arrêté
une fois pour toutes et
servant à toutes fins !
C'est de mille manières
qu'il vous plait de le
vêtir, ce bras sans défaut, ou
de le laisser paraître comme
Dieu vous le donna.
Quand vous
le couvrez vrai-
ment, vous voulez
que ce soit d'une manière imprévue, si pos-
sible, et qui satisfasse à plusieurs conditions
apparemment contradictoires, comme d'étonner
tout le monde sans choquer nul connaisseur,
et de bien dérober le plus souvent ce qui doit
pouvoir soudain jaillir, nu comme un bijou,
libre, flexible et charmant, "poly, souef, si
précieux".
. . . Pour ne plus rien dire de la main
parfaite, semblable (vous voyez que je songe
à vous plaire) à celles que dans le Printempj
de Botticelli deux des trois Grâces joignent
en dansant.
Eugène Marsan.
140
Looe pour les Courses, de Béer
iV* 5 de la Gazelle
Juin 1920. — PL J5
^
jLJu sable, de la volupté, de la
mer
A. Mer! Dans son enthousiasme romantique, Michelet
prétendait que nous en venions tous.
Ce n'est peut-être pas la raison pour -<c\
laquelle beaucoup d'entre nous ont (0^ -^
envie d'y retourner dès le commen- V"i <>
cernent de juillet ; certainement il y
a des motifs peut-être moins profonds,
mais plus plausibles à cette attirance. Et cette jeune femme
qui nous faisait cet aveu naïf : — « J'aime la mer parce
que c'est une très belle salle de bain avec beaucoup de
monde autour » ■ — ■ cette jeune femme nous livrait un argument
qui vaut bien les autres, et pour lequel Amphitrite, épouse
de Neptune comme on nous l'a appris dans notre enfance,
aurait bien tort de se fâcher. Les jours où elle se met
en colère, espérons que c'est pour des causes plus valables
et moins subtiles.
Mais, à bien y réfléchir, d'où vient cette habitude de s'ins-
taller en groupe au bord de la mer et pourquoi là plutôt
qu'ailleurs Nous pensons que la première fois cela dut se
faire de la façon suivante : d'excellentes gens étaient partis à
l'aventure et marchaient droit devant eux ; nous ne savons \
s'ils étaient décidés à aller très loin, mais à force de marcher -^&
I i
Mi
ils arrivèrent jusqu'au rivage, et comme
ils n'avaient pas de barque ils furent bien
forcés de s'arrêter. Le sable était fin, le climat
était doux, tempéré, l'air agréable et sain; ils
restèrent là quelque temps après y avoir
planté leur tente et dressé quelques cabines
de bois pour les protéger, la nuit venue,
contre les rigueurs du large. Ils ne furent
chassés de cette douce villégiature que par les
intempéries, qui étaient revenues avec l'approche
de l'hiver, et le besoin de subsister en travaillant,
car ils avaient peu à peu mangé les
réserves nécessaires à leur expédition.
Pourtant, comme ils s'étaient trouvés
très bien sur ce sable et devant cette eau,
ils y revinrent l'année suivante, vers la
même lune, et y demeurèrent tout de même.
Les jeunes femmes avaient pris l'habitude
d'aller le matin livrer leurs corps aux vertes
caresses de Nérée, les hommes allaient recueillir
au fond des mares des bêtes savoureuses
à manger et, l'après-midi, les uns et les autres
jouaient à des jeux où ils exerçaient leurs corps souples.
Les bains de mer étaient créés ; il n'y manquait ni la
tente, ni la cabine, ni les distractions. Il est vrai qu'il y
manquait encore le baccarat et le cinématographe
à l'heure du bain, mais l'ingéniosité des humains est
telle que ces éléments, indispensables à la prospérité
et à l'agrément des plages, ne tardèrent pas à y être
installés.
Notre explication vaut ce qu'elle vaut, mais elle
a le mérite d'être très naturelle. En somme, quand
nous allons à la mer, nous marchons jusqu'à l'endroit où nous sommes
bien forcés de nous arrêter, où l'eau clapotante semble dire raison-
nablement au train ou à l'auto : « Cela va bien comme cela, je ne
vous conseille pas d'essayer d'aller plus loin», et nous descendons. Et si
chaque matin nos femmes, nos amies, nos sœurs, nos maîtresses essayent
d'aller un peu plus loin, après s'être préalablement déshabillées et avoir
revêtu un costume qui ne les gêne pas dans leurs mouvements, elles vont,
J**
»^*»-'
3>r^
142
en effet, toujours un peu plus loin dans l'inquiétante
coquetterie et la provocante nudité, mais guère dans
l'océan, et elles reviennent bientôt sur la terre, leur
véritable élément, et qui est vraiment douce et fine
en cet endroit où elle semble à sa naissance. Ces
nymphes s'y allongent, comme de petites reines dédai-
gneuses, et demandent au soleil de les sécher lentement,
de leur faire une peau brune et ferme. Puis, dans une
de leurs mains, négligemment, elles prennent une poignée
de sable qu'elles laissent couler peu à peu entre leurs
doigts menus, pour montrer à ceux qui les contemplent
le symbole du temps nécessaire à la conquête de leur
cœur (lorsque le sable est tout à fait retombé, avant
la fin de la saison, l'œuf est à point).
Quand la mer a recouvert de son manteau toutes
ces blanches épaules, tous ces corps qui s'offrent avec
de petits frissons, elle a fait d'un même coup toutes
ces âmes semblables ; il n'y a plus de libertines, d'in-
génues, de vierges, sous le flot il n'y a que des femmes
ressentant l'étreinte forte et totale de l'onde. Si elles
ressentaient en outre l'ivresse de la dissimulation
physique, elles y demeureraient longuement ; mais,
par un grand jdésir de se
elles n'y restent pas ense-
qu'aux épaules, émergent
torse, ou bien taquinent de
du pied la traîne blanche
Et pour être
travaillées
montrer ,
velies jus
de tout leur
la pointe
et bleue de
-• ~ !
S
\/V
Parfois elle
chanson des
et regardait
nacres si elle n'allait point y
leuse, celle qu'y déposa
tomber une larme, un
Cette jeune créature
lèvres avaient le goût
Non, ce n'était pas
l'avons rencontrée.
ressorties de la sorte, aux yeux de tous,
elles sont tout de suite et si rapidement
redevenues ce qu'elles étaient, physique-
ment et moralement, que cela n'est même
plus une distraction de le chercher,
et que c'en est dérisoire de facilité.
Entre tant de beautés, nous
n'en avons connu qu'une qui aimait
beaucoup la mer et l'aimait comme
on doit aimer : en secret. Souvent elle
allait s'y plonger à l'heure où les ombres
la préservaient des regards, ou bien encore
elle s'allongeait à l'abri d'une petite baie,
toute seule, loin des humains, et se laissait
caresser par les vagues jusqu'à temps
que les plantes marines, le glauque
varech et tous les fucus pélagiens lui aient
fait un vêtement d'algues ruisselantes.
écoutait la
coquillages
au fond des
découvrir la perle merveil-
la déesse en y laissant-
jour qu'elle était triste,
était ardente et ses
du sel.
à D eau ville que nous
Gérard BAUËR.
M4
Y E modem -<fty le
avec lui, les
houx et du gui,
consciente de sa
renoncer à la
La bijouterie
un commerce, et
de ce temps ne
à l'art. L'ouvrier
artisan), d'un tra
système Taylor,
d'autre part d'in
œuvre des soucis
rudimentaires
prix, les qualités
ayant sombré et,
bijoux inspirés du
l'époque, comme
stérilité, semble
bijouterie d'art,
devient en efïet
un commerçant
songe plus guère
(qui n'est plus
vail promis au
n'a plus le temps
dure dans son
d'esthétique si
qu'il soient. Le
intrinsèques des
métaux et des pierres tiennent lieu de style, et l'invention se
satisfait du sertissage des poils d'éléphant.
Il n'est donc pas étonnant que les gens de goût (il en est
encore), demandent à d'autres civilisations ce que leur propre
civilisation leur refuse, ni que les bijoux nègres, d'une naïveté
145
brutale, et les bijoux indous, chinois et japonais, taraudés
d'une sensualité minutieuse, ne fleurissent en notre Occident
desséché.
Il n'est pas étonnant également que cet apport féconde
certains de nos artistes en décoration minuscule, ni qu'un
Roger Foy puise, dans l'étude des fétiches africains et des
pendentifs de jade et d'ivoire conçus au plus profond de l'Est,
les éléments d'une renaissance contemporaine de la bijouterie.
Considérez tels pendentifs issus de l'ingéniosité de cet
masque sévère et
soulignent les yeux
ceux de la bouche
se figent en un
d'idole barbare. L'île
par Loti, surgit du
ses falaises
basaltiques ar-
gigantesques
ment anciens
rels ont perdu
tout souvenir
et de leur culte.
coupé selon
extrême-orien-
pagne très
cette face
artiste. Voici un
creusé. Les rides qui
clos, les plis du nez,
stylisée en largeur,
sommeil hiératique
de Pâques, décrite
Pacifique avec
granitiques et
mées des têtes
de dieux telle
que les natu
maintenant
de leurs noms
Un cadre dé
l'esthétique
taie accom
heureusement
étrange endormie pour toujours dans l'énigme de quelle
préhistoire.
Dans cet autre pendentif moins sobre, moins pur, la
sculpture s'affirme aussi barbare mais plus tourmentée, plus
riche peut-être. L'imagination en rêve s'y donne libre cours;
146
une frayeur reli-
gieuse dut cour-
ber bien bas les
fidèles primitifs
devant cette tête
aux oreilles dé-
collées, surmon-
tée d'une sorte
de tiare dont
on souhaiterait
qu'une théogra-
phie moins im-
parfaite nous
expliquât le sens .
L'esthétique
des pendentifs
d'ivoire de
Roger Foy est
toute différente.
Ici l'artiste nous
convie à une
volupté pure-
ment rétinienne.
Dans la tranche
d'ivoire ajourée
fantastiquement,
la ligne blanche
s'infléchit et se
tord comme un
caprice compli-
qué. Mais un
M7
axe vertical coupe exactement par le milieu
le pendentif et, la gauche répétant exacte-
ment la fantaisie diabolique de la droite,
une figure naît, presque harmonieuse.
N'était cette symétrie, ces pendentifs
mériteraient de s'appeler bijoux-Dada.
N'y retrouve-t-on pas ces imbrications de lichens, gravées
sur bois par Arp, et dont Francis Picabia aime à parer ses
élucubrations dites poétiques?
C'est par contre un humour carrément britannique
qu'inspirent les broches et les breloques de Roger Foy. Là,
l'artiste voulut rire et faire rire, et ses bijoux sont des bijoux
de vacances, propres aux chandails et aux mèches folles.
Métis grotesque des deux plus grotesques oiseaux : le pélican
et le toucan, l'oiseau de Roger Foy se perche sur la broche ;
il y médite ou se chamaille avec son frère, pour mieux faire
rire la jeune fille qui le portera ou le regardera.
Toute la fantaisie de ces bestioles ne m'empêchera pas
de leur préférer les pendentifs barbares et hiératiques dont
j'ai parlé d'abord, et que certaines robes ultra-modernes et la
mélanophilie enragée de ce temps inviteront au voyage sur
la houle calme des poitrines. T ta „„„.„„„
^ Jean dernier.
L'OISEAU MORT
I\oDe Tctiéco-Slovaque
Gazelle du Bon Genre. — N° 5
Juin 1920. — PL 55
ODES TCBECO-SLOVAQUES
OUS voyagions en Roumanie, l'année dernière.
La Transylvanie, le Banat et le Torontal n'eurent
bientôt plus de secrets pour nous. Nous étions
là-bas en mission, comme tout le monde ; et si la
Conférence de la Paix n'a pas tenu un meilleur compte des
sérieuses observations que nous lui rapportâmes de ce périple,
ma foi, il n'y va pas de notre faute. Revenant de ces contrées
lointaines, nous nous disions d'ailleurs qu'il aurait mieux valu
y envoyer une modiste que des diplomates : elle en aurait
au moins rapporté de fort jolies idées pour nos belles dames.
Nous nous souvenons en particulier d'un soir à Siliste,
petit village perdu au milieu des rudes Carpathes ; ces
149
montagnes ont de belles gorges, et leurs habi-
tantes aussi. Pour nous honorer, on avait
convié un grand nombre de ces dernières ; et
elles étaient venues dans leurs atours de fête.
Elles dansèrent. Ce lut charmant. Elles
dansèrent aux sons de la viole et du tdambulum
les gracieuses danses de leur pays, la bora
et Yinvertita, Yhatcgana, la romatia, auxquelles
nous prîmes part, au milieu de ces robustes
paysannes dont la taille est cambrée et l'œil
merveilleusement noir... Elles étaient vêtues
d'un petit corset
de velours qui
découvre au-des-
sus des seins la
chemise brodée
de fils d'or et de
beaux dessins
colorés, dont les manches boufifem-
tes dessinent d'abord les épau-
les, très fidèlement, avant de
s'évaser en larges plis, comme on
en voit aux longues italiennes
de Véronèse et du Titien. Leurs
jupes courtes tombaient en mille
plis bien droits, blanches, et sur
lesquelles tranchaient devant et
derrière des tabliers aux cou-
leurs crues. Et sur le dos de
ces belles filles flottaient les
franges de l'écharpe de
i5o
soie noire dont elles coiôent leurs cheveux.
Ily avait aussi des vieillards, poliment des-
cendus des montagnes afin de recevoir l'étran-
ger venu de si loin. Ils portaient une sorte de
tricorne évasé, la petite veste courte, sans
manches, ouverte sur la chemise décorée de
broderies polychromes qui dépassait la cein-
ture de cuir et ballonnait autour de leurs reins,
à la manière d'un tutu. Quelques-uns n'étaient
vêtus que de la touloupe antique, faite de peau
de mouton, la
laine en dedans,
la peau en
dehors. Des sou-
taches noires
couraient sobre-
ment sur ce
cuir longuement
culotté ; sur la
poche de droite, on lisait le nom
brodé du propriétaire de ce bel
habit ; et sur la gauche, la date
vénérable à laquelle il avait été
confectionné.
Et nous, devant ces char-
mants costumes, si grave s et si gais
à la fois, nous avions honte de
notre veston droit et de nos panta-
lons dépourvus de style... Nous
souhaitions que quelque peintre
de chez nous rapportât quelques
i5j
modèles de ces vêtements si jolis, dont les
éléments décoratifs pourraient être si aisé-
ment utilisés pour le renou-
vellement de nos modes
X occidentales.
Tout est heureux dans
la façon que ces paysannes
ont de s'habiller : riches
couleurs, arabesques har-
dies, formes amples au large dessin, variété
de l'ornement, — quelle ressource pour nos
amies parisiennes !..
Mais il paraît que c'estfait : elles seront
désormais tchéco-valaques, bessara-
biennes, moldaves et transylvaniennes, pour le plaisir de nos
yeux et le contentement de leur fantaisie...
Quel pessimiste assurait donc que nous avions perdu
la paix? Voilà déjà la question des Balkans résolue ! Et
rue de la Paix, justement. jéËŒSk tvt-
.Nicolas
BONNECHOSE.
1Ô2
UN PEU
B EAU COU P
Gazette du Bon Genre. — JV° 5
Juin 1920. — PL. 54
(c ^T 7~OUS avez vu des ciels oublieux de la terre, prodigieu-
V sèment hauts, aériens absolument, illimités, sensibles,
impressionnés à l'imitation des paysages de la mer, dont ils
auraient, à la longue, enregistré puis reproduit l'image... .
« Vous avez connu des eaux limpides où se reflète
à des profondeurs vertigineuses le ciel, que l'on y découvre
lorsqu'on se penche, avec ses nuées voyageant dans une
i53
coupe inversée comme en un autre
azur...
« Avez-vous entendu parler du
désert à l'heure du soir, lorsque
des teintes d'une délicatesse infinie
apparaissent à l'horizon, et
construisent aux yeux hallucinés
des voyageurs de lointaines oasis,
des cités étrangères, et des miroirs
d'eau adorables et qui n'existent
pas?...
« Eh bien, vos robes transpa-
rentes ressemblent au ciel et à
l'onde et au désert vert. Elles ne
s'interposent pas dans l'atmosphère
mais s'y mélangent, et l'on voit à
travers elles, comme à travers le
corps astral des fantômes, les lignes
des paysages et la beauté impéris-
sable des choses. Plus de tache,*.
Leur mode fut, jadis, une nouveauté.
Aujourd'hui nos cœurs sanglotants
du désir de la douceur réclament
moins d'ingéniosité, plus de ten-
dresse, d'humilité. Il faut revenir
à la nature jusqu'à se confondre
en elle, comme les hamadryades
et les nymphes des branches
et des sources, dont l'on ne
pouvait savoir à quel point elles
étaient des femmes, ou bien
154
les branches et les sources
mêmes. »
— « Halte-là, monsieur le
poëte, et voudriez- vous sérieu-
sement nous métamorphoser
en arbres et en fontaines ?
Quelle belle raison, je vous
prie, d'aller cher-
cher le ciel et la
terre, et le désert
qui est si bien où
il est, à propos de
trois ou quatre
petites robes de
rien du tout, nulle-
ment habillées,
légères à porter
pendant les jours
chauds, et remar-
quables seule-
ment (ce que vous
n avezpas aperçu)
pour ce qu'elles
opposent le clair
et le foncé, ce qui
n'est pas la mort
de César. A ce
propos, vous ne
savez pas com-
bien vous pouvez
être pénible avec
i55
vos comparaisons qui ne se rapportent pas clairement au
sujet et qui risquent (celle du désert en particulier) de
froisser la dignité des personnes. »
— « Il est vrai. Le lyrisme nous habite comme l'insecte
transformé, et qui promène ses pattes sur les parois de sa
prison. Tout à l'heure il s'envolera sous une forme éclatante...
Non, madame, ce n'est pas d'un hanneton que je veux parler.. .
Marcel Astruc.
-
I
'avais un certain plaisir à entendre un ami me dire l'autre jour : " Les
snobs, ceux qui suivent aveuglément le bon ton ne savent pas découvrir
eux-mêmes l'objet de leur convoitise mais vont presque toujours vers les
meilleurs guides. S'ils n'ont, par exemple, pas de sens esthétique, au moins
savent-ils reconnaître les hommes de goût. Ils ont en cela un instinct assez
sûr. Le snobisme se constitue le défenseur de l'art contre les entreprises d'un
divertissement vulgaire. Il s'efforce et redresse ceux qui s'abandonneraient.
Louons-le et préservons-le. " La remarque est juste et je crois qu'un pro-
vincial très ignorant, venant à Paris le mois dernier, au lieu de faire la
tournée des Grands-Ducs dans les restaurants de Montmartre, aurait, grâce
au rayonnement et à la force du snobisme, commencé par aller au théâtre du
Vieux Colombier.
Heureusement pour notre provincial ce théâtre a dépassé la période des
tentatives dangereuses. Il y règne, à présent, une certaine atmosphère de
sécurité de rive gauche. Ses premiers partisans se perdent maintenant au
milieu d'un public qui, pour n'être pas toujours aussi averti, n'en est que plus
nombreux et empressé. Parmi les auteurs que représente cette scène, il y a
des chefs d'école, célèbres depuis peu, et qui, pour cela, font prime. On sait
et on sent dans la salle que les dirigeants de la maison ne sont pas des
profiteurs de délassements parisiens. On n'y remarque aucune frivolité,
mais une complète " honnêteté " qui se juge très loin du Boulevard. Il ne s'y
trouve pas un acteur célèbre, les ouvreuses n'y sont ni désabusées ni
impertinentes. C'est le théâtre " littéraire " par excellence. Les gens aiment
qu'on les y voit pour des raisons différentes de celles qui les poussaient à
vouloir être vus à l'Opéra il y a longtemps, aux Ballets Russes, les années
dernières, au Cirque toujours ; car n'oublions pas que derrière les " amateurs
véritables il y a de réels " amateurs " reconnaissables à ce qu'ils ont toujours
i5 7
~~-.e*L ccxa^loo^^ 1>jl S'oJjtUz _5 Cucrt&rvoJèsaX^
payé plus cher que les premiers, et qui forment entre ceux-ci et le public
énorme, inerte, une couche transparente, ravissante, avantageuse, indispen-
sable. Ce sont les snobs, les gens de l'Etat- Major (appelez-les comme vous
voudrez). Je les ai revus au théâtre du Vieux Colombier, aux représentations
du Carroéée du Saint-Sacrement et du Paquebot Tenacltyl
Rien ne pourrait être plus ennuyeux, dans une pièce de théâtre, que
l'atmosphère " brave ouvrier ". De même qu'à la scène nous trouvons puérils
les milliardaires, qui, dans d'incroyables bureaux d'acajou, brassent des
affaires colossales, fument des cigares comme des obus, et, d'une façon générale,
tout ce qui veut être d'un peu trop près le reflet fidèle de la société moderne
(combien de personnages romantiques et faux, acceptables au cinéma, nous
sembleraient grotesques au théâtre), de même il y a pour moi une gêne et
un ennui à contempler sérieusement comme
personnage " l'acteur bon ouvrier", comme
décor, l'estaminet. Cette envie de rire, puis
de partir que donne, d'ailleurs, souvent la
copie sérieuse de la vie au théâtre est une
chose étrange et assez nouvelle. Nous deve-
nons intransigeants sur la question de la
fausse ride, de la fausse barbe (surtout bien
faites) qui veulent se faire passer pour vraies,
et l'on finit par trouver le maquillage et la
personnalité du clown, qui ne veulent rien
dire, bien plus suggestifs. Un jour, le théâtre
où n'entrera pas surtout la fantaisie devien-
dra peut-être aussi morne et démodé que
les charades et les tableaux vivants. Il faut
d'autant plus féliciter M . Vildrac d'avoir
Q)cy- siAjJô-OrVbtmx
i58
fait une pièce sincère et émouvante dans ce décor trop
" vrai " et d'avoir même écrit, au second acte, une
scène de griserie, qui est une des plus jolies choses
de la comédie psychologique contemporaine.
Bien qu'une Espagnole désabusée et charmante
m'ait affirmé qu'au Pérou " ça n'était pas du tout
comme ça * j'ai pris un rare plaisir au " Carrosse du
Saint-Sacrement ". C'est peut-être parce que c'est
tellement " comme cela " partout ailleurs et que le
" Pérou " ne vient là que comme une écharpe multi-
colore. Pièce pleine de ton, ravissante chose qui se
passe en plein sourire, chose bavarde, cruelle, riche
de délicieuse ironie et d'arrière-pensée, comme son
héroïne qui m'a paru le type parfait de la femme
espagnole, comédienne, orgueilleuse, sans aveu, reli-
gieuse (Je n'ai jamais été en Espagne).
La pièce est remarquablement jouée par Copeau, d'une maîtrise et d'une
distinction parfaites, et M 11 ' Teissier dont la bienheureuse beauté ] fait
s'épanouir jusqu'à la salle du Vieux Colombier. Allons I on pourra bientôt
redire la formule appliquée jusqu'ici à un autre théâtre. On est toujours sûr
de passer une bonne soirée au théâtre du Vieux Colombier.
Le même provincial n'aurait pas manqué d'aller voir aussi Sarah
Bernhardt dans Athalie. Il semble que depuis longtemps la grande tragé-
dienne n'ait été aussi sublime. La transposition à laquelle elle est obligée,
pour remplacer les mouvements qu'elle ne fait plus, a enrichi la couleur de
l'interprétation, la mimique et la voix. C'est un oracle divin qu'on écoute et
Sarah semble désormais éternelle dans son
immobilité. Il fallait cette présence merveilleuse
du génie dramatique, ce don prodigieux de
_ . vijOJVJuJb
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savoir donner à une toute petite phrase une forme inattendue et définitive,
cette façon négligente et toute simple d'encadrer ces vers qui encombraient
notre mémoire de leur embarrassante solennité, pour animer cette tragédie
morne et froide comme un procès, comme une caserne.
Avant que Sarah ne fût entrée en scène, j'ai eu constamment devant les
yeux l'image du lycée. Je nous ai revus tous, nouvelles et mélancoliques demoi-
selles de Saint-Cyr. J'ai revu le préau, le proviseur et ce purgatoire de pous-
sière et d'encre traversé de soleil inutile qu'était la retenue du ieudi matin.
Cette pièce donne à tous ses interprètes l'air de collégiens désespérés.
On ne peut pas croire à la barbe blanche et à l'âge vénérable de Joad, à la
félonie de Mathan, à la virilité et à la droiture d'Abner (" ce faux brave
homme, qui, à la fin, tend un piège ignoble à la reine "), me disait Sarah
Bernhardt, et qui a l'air du dompteur d'un troupeau de moutons. Mais, tout
à coup, Sarah entre en scène. Bien des gens étaient venus l'entendre comme
ils vont voir à la gare Dauphine le président de la République souhaiter la
bienvenue au roi d'Angleterre. Dès qu'elle fut devant eux, ils ressentirent
cette fierté ambiante propre aux spectacles patriotiques où l'on se sent peu à
peu entrer dans le jeu et tenir un rôle digne et silencieux, comme au défilé
d'un régiment avec son drapeau ou à l'audition de l'hymne national. Elle se
reposait en souriant sur le cœur de son public qui, devant elle, éprouvait
cette contagion facile mais violente que, seuls, savent communiquer aux
auditoires les vieux triomphateurs d'un pays.
Jacques POREL-
□ QDDODODDCJDDapnDDDDDDQDDDDDDQQ
QnoadQarjDaûanDOnoaaaDaonndoonn
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J'aime à voir FENESTREiS se découper
comme sous le ciseau
crissant des ]7 'J 1 CREVÉS hirondelles,
parmi le ve lours d'un ciel
gris, ces lo sanges d'azur
qui ressemblent aux "crevés" d'un costume médiéval. Nos
couturiers, qui n'ignorent plus Mallarmé, goûtent également
Ceé grand* troué bleud que font méchamment Le* oiseaux...
et s ingénient aujourd'hui à les imiter dans leurs créations
nouvelles : un caprice de la mode préconise l'ajourage
du vêtement. On pratique sur les manches des vasistas
monade leibnizienne, laquelle
" n'avait pas de fenêtres sur le
dehors ".
M'est-il permis de voir un
signe des temps dans cette fan-
taisie dont la frivolité n'est qu'ap-
parente. Les doublures sont
lasses de leur rôle effacé.
Le délire bolchevique s'est
emparé d'elles, et voici
qu'elles veulent tenir la
quadrangulaires. Le
manteau s'agrémente
de hublots, par ou
la blouse prend vue
sur le large. Si j'osais
introduire le jargon
philosophique dans
cette affaire, je dirais
que la robe de cet
été s'efforcera de ne
plus ressembler à la
place qu'occupaient
jusqu'ici les étoffes de
race. Un vent de
vanité souffle à tra-
vers le monde des
chiffons. Le corsage,
ce m'as -tu vu, se
plaint du manteau
qui le cache. Demain,
nous entendrons à son
tour la chemise élever
ses revendications, et les arbitres déci-
deront qu'elle se portera par dessus la
robe. On assiste, — et c'est un phénomène
social dont l'importance n'échappera pas à
nos Parisiennes, — à une irrésistible pous-
sée des tissus sous-jacents. Déjà les grandes
maisons composent avec ces puissances
redoutables. On ménage dans le manteau
des fentes, des judas, par où la robe peut,
si je puis parler ainsi, passer le bout du
nez ou montrer patte noire. On découpe le
i63
taffetas comme une plaque de zinc, et la soie de la chemisette
se pavane par les interstices. Le costume a l'air ainsi d'un
journal mutilé par la censure.
Je me rappelle une bien belle aventure. Un sultan de mes
amis faisait, devant quelques intimes, danser à sa favorite
Karsavinala danse traditionnelle des sept voiles. L'exécutante,
on le sait, est revêtue de sept tuniques gigognes, et à chacune
des sept figures de la danse se défait de l'une d'entre elles.
La danseuse achevait la septième figure et apparut toute nue.
Nous applaudîmes. Le sultan charmé battit des mains, puis,
avec un accent câlin mais impérieux : — Encore ! fit-il.
Sur cette injonction, un bourreau en frac s'avança et
se mit en devoir d'écor cher la ballerine.
Comme la mode actuelle v^pf paraît timide aux
poètes et aux volup / ry^9my tueux ! A nos yeux
platoniciens, la nudité /C *^ même est trop ha-
billé e,l'épiderme est en A Vli^ \ coreunesuperfluité...
Les couturiers com Éx sA . \ prendront-ils ce raffi-
nement suprême ? Jf Georges- Armand
Masson.
164
Rolbes d'Eté, de Dceuilleé
Gazette du Bon Genre. — N° ç
Tuin 1Q2Q-— PL 16
VOYONS CETTE RÉVÉRENCE.
Lobe a après-midi et robe d'eniané, Je Jeanne Lan vin
N° 5 de la Gazelle
Juin 1920. — PL J7
LA BELLE
iBLoibe cl été, a-à Paul Loiret
N' 5 de la Gazette
Juin 1920. — PL jS
UNE ROBE DU SOIR DE WORTH
2V° 5 de la Gazette
Juin 1920. — PL y g
D'UNE
Loge d Actrice
par
Sue & Mare
EXÉCUTÉ PAR
L A COMPAGNIE
DES ARTS FRANÇAIS
Gazette du. Bon Genre. — N° 5
Juin 1920. — Croqulà de XXV à XXVII î
-uzcn&e >et imail
ouZa>ette
Jim 1<J2Û„ %!Aoou*£)&5L5
le MxwwuL dilAtea/m-dmis
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juin 1^.JètoauirJ?36
EXPLICATION DES PLANCHES
PI. 3s. — Un manteau du àoir en " peliààa ". Leà mancbeà dont extrêmement vaàteà et baààeà .
Une broderie d'or court Le long de L'encolure et deà mancbeà.
*
PI. 33. — Cette robe d'aprèà-mldl eàt inspirée deà coàtumeà populaireà tchéco-àlovaqueà. La
jupe eét en organdi ; le petit coràelel en velourà noir. Et deà pomponà et deà broder ieà en Laine rouge
ornent le coràelet et la robe.
PI. 34. La jeune fille qui eàt aààiôe porte une robe en mouààeline blanche à fleura ; àon
coràage eàt en taffelaà noir, et une bande du même laffetaà fait Le tour de àa jupe. La robe de La
jeune fille qui àe tient debout eàt en foulard blanc a deààinà, avec un biaià d'organdi blanc au
coràage et autour deà mancbeà.
PI. 35. — Robe pour leà Couraeà, de Béer. Elle eàt d'un àatin noir, et garnie de dentelle et
de tulle brodé de motif à cbinoià.
PI. 36. — Deux robeà d'aprèà-midi par Dœuillet. Celle de gauche, en crêpe georgelte bleu
marine, eàt garnie de rubanà en ciré noir. Elle à' ouvre un peu, àur leà cotéà, àur un fond en crêpe
georgette rouge pompéien. Celle de droite eàt en foulard bleu a deààinà blancà. Jupe pliààée.
Chemiàette à mancbeà courteà en organdi blanc.
*
PI. 3j. — Une robe d'aprèà-midi en taffetaà noir brodé d'arabeàqueà. Le col et leà mancbeà
àonl en linon brodé ; le tricorne eàt en tafetaà noir Liàcré de rouge. Et une robe d'enfant en organdi
blanc avec une ceinture de ruban ; la capeline eàt d'organdi blanc et eàt garnie 3e roàeà. Ceà deux
robeà àont de Jeanne Lanvin.
PI. 38. — De Paul Poiret, une robe en mouààeline imprimée noir et roàe ; la collerette et leà
mancbeà àont en organdi
PI. 3g. — Cette robe du àoir, de Worlb, eàt un drapé en lamé argent àe terminant en une
Longue queue en pointe. BretelLeà en Lamé argent. Un motif en perleà retient, par devant, leà plié
de la robe et leà drape.
Croquis de xxv à xxvm. — Aménagement d'une loge d'actrice, par Siie et Mare, exécuté
par la C ie des Arts français : Croquis xxv. La glace, en bronze et émail. — Croquis xxvi.
Le tabouret, en poirier noirci, et leàcacbe-clouà de la tenture. — Croquis xxvn. La coiffeuàe ouverte
(poirier noirci; intérieur gainé en galuchat). — Croquis xxvm. Enàemble de la Loge réuniààanl La
coiffeuàe, Le tabouret, et la glace. La coiffeuàe eàt poàée àur une table gigogne en poirier noirci, danà
Laquelle rentre la tablette àupportant, à gauche, un vaàe, ainàique le tabouret. La coiffeuàe ed
donc une pièce a part, qui peut à' enlever, àe mettre danà une gaine, et former ainài une trouààe indé-
pendante, pour le voyage.
Imp. Studium. Marcel Rotlembourg, Gérant.
DU
Bon Genre
DU
Jjon \j
enre
ARTS, MODES
FRIVOLITÉS
LUCIEN VOGEL, Directeur.
1920
iome 1
x ans
AUX ÉDITIONS LUCIEN VOGEL
24, Rue du Mont-Thabor, 24
TABLE DES MATIERE
PREMIER SEMESTRE
(Janvier a Juin 1920)
© ® ®
TABLE DES ARTICLES
Page.
A LA RECHERCHE D'UN NÉOLOGISME Marcel ASTRUC. 5 7
Dessins de PIGEAT.
AU CIRQUE Jean-Louis VAUDOYER. 53
Dessins de Jean GALTIER-BOISSIERE.
AVANT-PROPOS Henry BIDOU.
Dessins de SUE.
BEAUX BRAS (Les) Eugène MARSAN. i.? 7
Dessins de BENITO.
BŒUF SUR LE TOIT (Le) 68
Dessin de BENITO.
BIJOUTERIE FÉTICHISTE Jean BERNIER. M 5
Dessins de Roger FOY.
CHANT DU ROSSIGNOL (Le) ??
Dessin de Ch. MARTIN.
CHILDREN'S CORNER LOUIS-LÉON MARTIN. 12Q
Dessins de MAGGIE SALZEDO.
DÉCOUVERTE DE L'ILE TORQUATE, DE SON INFLUENCE
SUR LES TRADITIONS DU DANDYSME DANS LES VIEUX
PAYS (La) PIERRE MAC-ORLAN. nJ
Dessins de Ch. MARTIN.
DE LA BEAUTÉ , Emile HENRIOT. Sx
DERNIÈRES VOITURES Robert BURNAND. ,01
Dessins de Jacques BRISSAUD.
DES PAS SUR LE DÉTROIT. — DE COVENT-GARDEN A L'OPÉRA.
Dessins d'André MARTY. Michel GEORGES-MICHEL. x3
DES PIEDS ET DES MAINS . . LE DANSEUR INCONNU. 46
Dessins d'André MARTY.
D'UN ORNEMENT DU VISAGE LOUIS-LÉON MARTIN. 42
Dessins de ZYG-BRUNNER.
DU SABLE, DE LA VOLUPTÉ, DE LA MER . . . Gérard BAUËR. 141
Dessins de Robert BONFILS.
ELLES SE MAQUILLENT, ELLES ONT RAISON .... SYLVIAC. 86
Dessins de MAGGIE SALZEDO.
ETHNOGRAPHIE SOURCE D'ÉLÉGANCE (L'). — COIFFURES ET
TATOUAGES PIERRE MAC-ORLAN. 5
Dessins de Ct. MARTIN.
EVENTAILS ET BRACELETS CÉLIO. 61
Dessins de Georges LEPAPE.
FASTE DU PRÉSIDENT ET LES ARMES DE FRANCE (Le).
Dessins de LORIOUX. Jean de BONNEFON. 65
FENESTRES ET CREVÉS Georges-Armand MASSON. 161
Dessins de JAQUES.
HONOLULU Jean BERNIER. 2 5
Dessins de BENITO.
JADIS A GOLCONDE ET MAINTENANT Marcel ASTRUC. 33
Dessins d'André MARTY.
KEES VAN DONGEN Jean-Louis VAUDOYER. 78
Croquis de VAN DONGEN.
LETTRE AU DIRECTEUR DU "BON TON" SUR UN VÊTEMENT
INUTILE Nicolas BONNECHOSE. 49
Dessins de BENITO.
LETTRE A UN ENRICHI, AMATEUR D'AIGLES ET DE LYS
HÉRALDIQUES Jean de BONNEFON. 21
Dessins de LORIOUX.
MANTEAUX POUR LA MER ET LAUTO Gérard BAUËR. n 7
Dessins de ZYG-BRUNNER.
MODE ET L'HISTOIRE (La) Emile HENRIOT. 83
Dessins de Robert BONFILS.
MODES TCHÉCO-SLOVAQUES Nicolas BONNECHOSE. 149
Dessins de L'HOM.
i83o Emile HENRIOT. 106
Dessins de Pierre BRISSAUD.
NATURE A PARIS (La) Marcel ASTRUC 69
Dessins de Jeanne DUBOUCHET.
PEINTURE ABSOLUE (La) Henry BIDOU. ô 7
Dessins de Bernard BOUTET DE MONVEL.
POUR LES FILS DE FAMILLES . . Roger BOUTET DE MONVEL. 9
Dessins de Bernard BOUTET DE MONVEL.
PREMIÈRE LETTRE A UNE ÉLÉGANTE MAROCAINE . . EL VEY. 7 3
Dessins de Bernard BOUTET DE MONVEL.
PROJET D'ARMOIRIES DE LA RÉPUBLIQUE 65
Dessin d'André MARE.
PSYCHOLOGIE DE LA PARURE Georges-Armand MASSON. 109
Dessins de BENITO.
RAPPORT DE M. D'HOZIER, JUGE GÉNÉRAL D'ARMES DE
FRANCE, A S. E. LE PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE
FRANÇAISE, SUR LA NÉCESSITÉ PRESSANTE DE FAIRE
ENTRER DANS LA NOBLESSE MM. LES NOUVEAUX ROUÉS
DE LA FORTUNE Jean de BONNEFON. is5
Dessins de LORIOUX.
RETOUR A LA TERRE (Le) CÉLIO. 17
Dessins de Pierre BRISSAUD.
RÊVERIES SUR UN PAYSAGE Emile HENRÏOT. i33
Dessins de LABOUREUR.
ROBES - COIFFURES ET MANTEAUX A CAPUCHONS 2g
Dessins de ROMME.
ROBES DE L'ÉTÉ Georges -Armand MASSON. 89
Dessins de MARIO SIMON.
RONFLONFLONS Marcel ASTRUC. ia ,
Dessins de BENITO.
SPECTACLES j acques POREL. x5 7
Dessins d'André MARTY.
TRANSPARENCES Marcel ASTRUC i53
Dessins de MARIO SIMON.
TROIS NOBLESSES DE LA CHAMBRE (Les) . Jean de BONNEFON. 9 3
Dessins de LORIOUX.
VOILETTES Nicolas BONNECHOSE. 97
Dessins de BENITO.
**L®&*
TABLE DES PLANCHES HORS-TEXTE
9
N" Planckes
ANTINÉA — George* Lepape 5
AS-TU ÉTÉ SAGE ? — Pierre Briééaud 1 Q
BASSIN D'ARGENT (LE) — Benito x 4
BEAULIEU DANS LES FLEURS — Robert Bon/Il* 2 g
BEAUX JOURS DE FEZ (LES) ou LA FATMA IMPROVISÉE. 3 16
Bernard Boulet de Monvel.
BELLE JOURNÉE (LA) — George* Lepape 5 58
BELLE TORQUATIENNE (LA) — Cb. Martin 4 ' a5
CENDRILLON — André Marly 4 2g
DANCING — George* Lepape . . .' 2 12
DOUCE NUIT (LA) — André Marly 2 l3
ET PUIS VOICI MON CŒUR — Ch. Martin 3 l8
ÉVENTAIL D'OR (U) — George* Lepape 2 10
FÊTE EST FINIE (LA) — Pierre Brl**aud 4 J
FLEUR D'OR (LA) — Zyg-Brunner 4
FLEURS DU VOISIN (LES) - Robert BonfiU 3
FRUIT VERT (LE) — Benito 5
J'AI LE BOUT DU NEZ ROUGE ou UN MALHEUR VITE
RÉPARÉ — André Marly x 8
JOUERAI-JE ? — Pierre Brl**aud 5 35
LES VOILA ! — André Marly 5 56
LETTRE SURPRISE (LA) — Slméon x 3
M elle PAULETTE DUVAL — Barjan*ky ! 5
MADRAS JAUNE (LE) — Ch. Martin
MIRAGE — Mario Simon 4 5l
OISEAU MORT (L') — L'Hom 5 S5
27
32
N"
Planches
A
26
3
23
3
20
2
i5
POISSON D'ARGENT (LE) — Maurice Leroy
POUR LES PAUVRES — Pierre BrUéaud
PREMIÈRES ROSES (LES) — Bernard Boulet de Monvei ....
PRINTEMPS — André Marty
REDINGOTE OU LE RETOUR AUX TRADITIONS (LA). ... 1 2
Bernard Boulet de Monvei.
RENTRONS — Pierre Briééaud 4 2 8
RESPIRONS UN PEU — Pierre Briééaud 3 21
ROBE DE WORTH — Bernard Boulet de Monvei 5 3 9
TANGER OU LES CHARMES DE L'EXIL — George* Lepape. . . 1 7
UN PEU... BEAUCOUP... — Simeon 5 34
VIENDRA-T-IL ? — Pierre Briééaud 2 14
VISITE (LA) — Pierre Briééaud 2 n
VOUS AVEZ VU... CETTE PETITE... — Siméon 4 24
VOUS NE SEREZ JAMAIS PRÊTS — André Marty 3 22
VOYONS CETTE RÉVÉRENCE — Pierre Briééaud 5 3 7
© © ©
TABLE DES CROQUIS HORS-TEXTE
N" Croquis
AMÉNAGEMENT D'UNE LOGE D'ACTRICE 5 xxv à mm
Sue et Mare.
MAQUETTES DE COSTUMES POUR LE " CONTE
D'HIVER " — Fauconnet 2 ix à xvi
MODES DE PRINTEMPS — Raoul Dufy x 1 à toi
MODES D'ÉTÉ — Mario Simon 3 xvn à xx
ROBES POUR L'ÉTÉ 1920 — Raoul Du/y 4 xxi k xxiv
^©^
N° 6. ~ 1920
jr* Année
0&Zseit& dLu^
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£%>cieD'VOq-EL-Direde<>p
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PARIS
LES ÉDITIONS LUCIEN VOGEL
LONDON GENÈVE
THE FIELD PRESS Ltd. NA VILLE et C«
-Les l^outuriers cités ci -dessous par
ordre alpha béticjue ont contribué à londer
cette V^-azette, ou lui apportent, en outre,
avec leur collaboration, laide de leurs
conseils.
BEER ® ©
C HERUIT
DOEUILLET
D O U C E T
L A N V I N
P A Q U I N
Paul POIRET
REDFERN
© ¥ORTH
«'^(P'fcw- v ^<<^5«'' ^(f"^*"- -^f 5 ^*?" < -*<? a î>«'- *^^ a %»?- ~~*<jT , ï>>e*' *^(Pb»f- "^(f**»^-
-^•ssaP*^ ^ç-jP^v, ^srcj—pw, „jr<v_p*v, .v*;^»», ^ç^tv. ^q^^v, ^^q-p>v. ^wq^w^
SOMMAIRE DU NUMERO 6
Juillet 1920 3 e Au
L'AGE DU LAQUE Henri DUVERNOIS.
Dessins de Ch. MARTIN.
LE PROLOGUE OU LA COMÉDIE AU CHATEAU (Hort-texte)
par Pierre BRISSAUD.
AH! MON BEAU CHATEAU Emile HENRIOT,
Dessins de Pierre BRISSAUD.
LES MARCHANDES D'ESPOIR . . . SYLVIAC.
Dessins de Ch. MARTIN.
REMORDS (Hors-texte) par Maurice LEROY.
L'IMPOSSIBLE HALLALI P. L.
Dessins de EYRE DE LANUX.
HÉRALDIQUE D'ANGLETERRE. . . Jean de BONNEFON.
Dessins de LORIOUX et CATTI.
DJERSADOR DTSPAHAL CELIO.
Dessins de SIMÉON.
GROS TEMPS (Hors-texte) par ZINOVIEW.
LE DIVAN DE VÉRONIQUE LOUIS-LÉON MARTIN.
Dessins de Robert POLACK.
AVENEMENT DES AMAZONES MAYOTTE.
Dessins de BENITO.
PLANCHES HORS-TEXTE
LA SOUBRETTE ANNAMITE. — Robe du éoir.de DceuUlet. par André MARTY.
ON T'ATTEND ! ■ — Robe d'organdi et manteau d'enfant, de Jeanne Lanvin
par Pierre BRISSAUD.
VOICI L'ORAGE! — Robe d'aprèd-midi, de Paul Poiret . par Georges LEPAPE.
QUE VAS-TU FAIRE! — Robe du soir, de Wortb par DRIAN.
APPELEZ URBAIN DE L'AVENUE DU BOIS. — Manteau du àoir, de Béer
par Pierre BRISSAUD.
UN STUDIO, UN COIN DE FEU, UNE CHAMBRE A COUCHER ET
UNE CHAMBRE D'ENFANT. — (Quatre planches hors-texte)
par Francis JOURDAIN.
Coiffure par
EMILE m
24-25, Conduit Street
LONDON W.i.
^ 398-400, Rue
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jL r ô@e oTûT j^olo(iilo
\ vez-VOUS des laques de Coromandel ? demandait un ama-
-xTx. teur à une charmante ingénue.
— Je vous crois î répondit l'ingénue. Elles sont même
signées de lui î
Il est de toute évidence que si l'on peut appeler l'époque
i885, avec son style "atelier" aux pianos juponnés et aux
chevalets drapés, l'âge de la Peluche et 1913, l'âge du Lamé
or, nous vivons aujourd'hui l'âge du Laque. L'art chinois
se porte énormément cette année. Des dames inofïensives
jusqu'alors sont devenues collectionneuses. Elles ne craignent
ni l'Hôtel des Ventes où règne cependant une douce odeur
d'étable mal tenue, ni les boutiques suffocantes des pires
brocanteurs, ni la Foire aux puces qui a l'avantage de se tenir
en plein air et où l'on voit des gens très bien déguster des
moules à la marinière et des pommes de terre frites arrosées
du petit reginglard dit du « ravitaillement » . O Chine ! que ne
commet-on pas en ton nom ! La porcelaine étant bien fragile
i65
Copyright Juillet 1920 by Lucien Vogel. Parié
— ces domestiques ne res-
pectent rien ! — le bronze
\ étant bien chanceux, les laques
font fureur. On se dispute des
morceaux de bois sur lesquels les marchands affirment, la
main sur le cœur, qu'il y a eu quelque chose, il y a trois cents
ans. Des personnes qui n'ont rien à cacher, je vous le jure,
cherchent avec frénésie des paravents du modèle le plus
majestueux : douze feuilles et chaque feuille a trois mètres
cinquante de hauteur. On en trouve de très gentils pour
quatre cent soixante-quinze mille francs. C'est un chiffre
admis, comme quatre francs quatre-vingt-quinze dans les
magasins de nouveautés. Les modestes se contentent d'œuvres
plus répandues et qu'il est loisible de se procurer contre une
somme qui varie entre soixante et quatre-vingt mille francs.
C'est, en général, la Réception au Palais reproduite par des
générations d'artistes exquis et respectueux qui, se sentant
incapables de créer un nouveau chef-d'œuvre, se contentèrent
de copier celui-là. Vous le connaissez : des mandarins au
sourire indulgent s'évertuent à un jeu qui rappelle le jeu
de dames, tandis que leurs frêles épouses se promènent en
devisant au bord d'un lac artificiel. Devant le palais
166
stationnent des
et des chevaux
danseuses. D
en fleurs qui
la sérénjté
un P^||i^n^la^pla:
appro:Arià&
\si pariait^ qû
Wux-ci se has<
sont transcrits sur les^ petits panneau
des bêtes apocalyptiques, d'un blanc
sombre. Ce tigre, qui est peut-être un
forme de serpents. Le dos de ce dra,
aigùe\Ouel génie malfaisant a tour
chien fabuleux? Ce porc-épic\puvre
Les pincées de ce t\ énorme crabe ont
d'oiseaux cle^proie qu^ s' affront eW...
CommeritST amour\les laques^\non
peints mais enc'oJeNde la matière elle-:
ce goût qui porteNles^Chinoi^à estimer
nue, mais impeccable, et\un
jeté ses plus divines
inspirations, comment
cette passion si rare,
si noble, si poétique,
si artiste ont-ils pu se
répandre à ce point?
Mystère... La plupart
des gens qui mènent
l'existence d'un Parisien
basses
bes de
arbres
2jère. C'est
vivre dans
aune idée
Le élégance
clients si
bjets qu'il s\ achètent,
du bas. Là s^ tordent
ivoire ou d'tin rouge
at, a des sourcils en
st armé d'une\ scie
la tête dà ce
hippopotame
de deux becs
sulement des laques
i, soyeuse^ et glacée,
3ut autant Vine table
û. un artiste a
ou d'une Parisienne de nos jours ne devraient-ils pas être
épouvantés, quand ils rentrent chez eux, par l'ironie implacable
de ce dieu de la Fécondité, par la grâce chaste de cette jeune
prêtresse, par l'effroyable patience de ce dieu de la Mort? Vous
voyez une grosse dame couverte de perles et qui vient de
danser le fox-trot, coiffant un Bouddah de son horrible cha-
peau, jetant ses bagues dans une coupe d'un bleu plus profond
et plus rare que le saphir et se déshabillant, à la fin, devant
les sages vieillards et les sublimes princesses du paravent !
Mais, comme dit Courteline, ça vaut mieux que d'aller
au café. Ne croyez pas que cette rage ne fasse
pas vivre quelques modernes. Il y a des accomo-
dements avec l'art des fils du Ciel ; des répara-
teurs font jaillir des planches à peu près nues qu'on
leur apporte les plus délicieuses imaginations de
la Chine ancienne. Et les temps vont venir où l'on
admettra des laques français, représentant nos
femmes, nos maisons et
nos jardins, notre prin-
temps et nos idylles.
Henri DuVERNOlS.
168
LE PROLOGUE
LA COMEDIE AU CHATEAU
N° 6 de La Gazette
Juillet 1920 - PI. 40
- : "^^^v^g^
-^'r ; ^
Akî Mon Beau Ck
ateau.
DIEU, Céline... Il faut vous dire adieu, pour trois
longs mois. Car tel est l'usage ridicule : venu
l'été, voilà nos belles amies qui vont aux champs.
— Moi aussi, d'ailleurs : mais hélas ! ce ne sont
pas les mêmes... Et tandis que vous courez les
eaux et les châteaux, il ne nous reste qu'une ressource,
qui est de vous imaginer. Ma foi, Céline, c'est toujours
penser à vous.
Vous avez une bonne grand'mère, dans quelque
province lointaine. Elle habite un petit château que je
vois d'ici : posé au bord d'une pelouse, entre deux tours
à poivrière, sous de beaux arbres bien portants. Dans
votre chambre il y a de fines boiseries, une cheminée à
rocailles, de rustiques carreaux un peu disjoints, et de
169
vieux miroirs embués auxquels d'innombrables dames, vos
aïeules, ont souri comme vous, dans des temps très
anciens. — Il y a aussi, dans votre château, — du moins
;e me plais à le supposer — d'immenses greniers tout
remplis de meubles désuets, où vous allez faire mille
découvertes d'antiquailles, et des malles bourrées de robes
d'autrefois, qui vous seront d'un fameux secours, lorsque
vous donnerez la comédie, un soir, sur le petit théâtre. (Car il
y a naturellement un petit théâtre dans votre château, fait
tout exprès pour y jouer Musset ou Marivaux — Comme
vous d'adleurs : n'avez-vous pas commencé, avec votre joli
cousin, sous les grands marronniers ? ) — Enfin, au-dessus
des douves verdies, où, le soir, chantent les rainettes, il y
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170
a une balustrade. Vous vous y accoudez parfois, après le
crépuscule : et là vous rêvez... A qui? De quoi?
Peut-être a mol. . . peut-être à rien ?
En tout cas, vous rêvez longtemps, le regard perdu
dans la nuit immense, et devant toutes ces étoiles, vous
nommez Aldébaran et Béteîgeuse, et aussi Vénus, mais non
pas sans trouble. Et tandis que l'heure s'écoule, que la
hulotte pousse son gentil cri plaintif à travers les branches,
que votre sœur au piano confie ses secrets à Chopin — vous
savourez pour la première fois, en vous taisant, dans les dan-
gers de la solitude, les délicieux enivrements de la mélancolie.
— Céline, il faut rentrer. Tu vas prendre froid...
C'est votre mère, du salon, qui vous appelle. Descente
brusque à la réalité. Justement le vieux
baron des Epinettes, votre voisin, est
venu passer, suivant sa coutume, la
soirée au château. C'est le flirt de votre
mère-grand, Céline. Il lui faut offrir
des liqueurs, mademoiselle : tel est votre
emploi. Puis poliment écouter les histo-
riettes de ce bon monsieur qui vous
tapotera la joue, avec un compliment
d'un autre âge. Vous lui ferez la révé-
rence, pour le remercier.
Demain... Au fait ! De quoi demain
sera-t-il fait ? — Demain, promenade à
cheval, dès le frais matin. Messe
à onze heures, au bourg voisin.
Le tantôt, des jeunes personnes
des environs viendront vous
voir, à l'heure du thé,
sous le catalpa. Croquet,
ensuite. Puis la nuit tombera douce-
ment; les brumes qui la précèdent et
l'accompagnent s'élèveront sur la prai-
rie; les rainettes se mettront à chanter
dans les roseaux des douves, la hulotte
à se plaindre. De nouveau vous cher-
cherez Vénus dans le vaste ciel, accoudée
à la balustrade... Et ainsi de suite.
' Il se peut, ma chère Céline, qu'à
l'automne vous nous annonciez vos fian-
çailles. On ne peut pas toujours rêver.
Emile Henriot.
A*.
172
LES MARCHANDES D'ESPOIR
lles pullulent en ce moment, car, ainsi que chacun le sait, les
époques troublées sont particulièrement favorables à leur
commerce. Or, nous vivons à une époque troublée. Beaucoup
de gens n'ont pas l'air de s'en douter, parce qu'ils constatent
qu'on s'amuse avec frénésie, mais ces observateurs superficiels
ne se rendent pas compte que les fêtards sont généralement des tourmentés,
et que, s'ils s'agitent, c'est surtout pour oublier leurs ennuis. En plus
de ces brillants ennuyés il y a, pour le moment, les ennuyés moroses, les
ennuyés furieux, les ennuyés préoccupés, bref les neuf dixièmes de l'huma-
nité qui succomberaient sous le poids de leurs ennuis respectifs, s'ils
n'avaient pour les secourir la merveilleuse et divine Espérance.
Vieille et solide comme le monde, elle ne le quittera qu'à son dernier
jour, heureusement pour nous. Elle se manifeste de mille façons, mais
quand elle veut nous parler, elle emprunte la voix des devineresses qui
nous font riches et heureux des choses futures, et nous vendent à bon
prix le bienheureux mensonge qui nous aide à traverser les mauvais jours.
Celui qui achète ces merveilleuses prophéties n'est pas toujours un fervent
croyant ; souvent il se dit qu'elles ne seront peut-être pas exactes, mais il
réfléchit qu'après tout elles pourraient l'être, et son optimisme ainsi renforcé
aide à édifier son bonheur. Ne peins pas le diable sur le mur, car alors il
viendra, dit un proverbe allemand. Peins la félicité sur ton cœur et dans
ton esprit, elle finira par s'y installer, pourrait dire un proverbe de chez
nous, où le bon docteur Pangloss est né.
Hommes et femmes ont donc parfaitement raison, actuellement, d'aller
i 7 3
acheter du courage avec de l'illusion chez les pytho-
nisses. Pourtant si les femmes avouent ces visites,
les hommes se défendent de les faire, n'empêche
que, bien avant la guerre, je savais un homme du
monde que la nécessité avait forcé de devenir
antiquaire, qui n'effectuait pas un gros achat sans
consulter sa chiromancienne ordinaire, et un bour-
sier qui, tous les jours avant de se rendre à son
bureau, allait prendre l'avis de sa voyante. Vous
me direz que ces précautions mystiques ne prou-
vaient pas en faveur de leurs capacités et vous ne
serez donc pas étonnés quand je vous dirai que ces
deux personnages ont très mal fini. Néanmoins ils
ont fait école, et, présentement, où le hasard et
l'audace ont mis dans les affaires plus d'hommes
que la science et le travail, la clientèle masculine de
ces cabinets mystérieux ne fait qu'augmenter. Ce
n'est certainement pas la galanterie qui l'y mène,
car, à part quelques rares exceptions, la prophé-
tesse garde le physique et l'antre de tradition. Si
elle varie ses façons de faire, son aspect sordide ou
repoussant reste bien celui de son aïeule la sor-
cière. Elle habite dans un quartier misérable une
maison galeuse, et si son mobilier est rarement
propre, il est toujours affreux, mais cela n'est pas
pour rebuter la clientèle, bien au contraire. De
temps à autre, une de ces mystérieuses créatures
devient à la mode, son étroite salle d'attente est
encombrée de femmes appartenant à tous les mondes,
au petit surtout, les clientes s'entassent devant
sa porte qui refuse de s'ouvrir à cette affluence.
Mais cette vogue ne dure jamais longtemps et pour
majorité de ces prophétesses lit l'avenir
dans des cartes crasseuses, et une
minorité de cette majorité se sert de
tarots plus crasseux encore dont l'as-
pect vénérable et les signes cabalis-
tiques frappent la cliente et
x 7 4
permettent de hausser les prix. Quelques-unes
vaticinent en examinant les mains qui, elles et les
bagues dont elles sont ornées, révèlent si facilement
celles à qui elles appartiennent. D'autres se servent
du marc de café dont les groupements capricieux
dans l'assiette blanche préoccupent vivement la
cliente, ces petits amas de poussière brune ne repré-
sentant pour elle rien que d'informe. La devineresse
y voit, au contraire, des spectacles grandioses :
bateaux voguant sur les mers démontées, forêts
courbées par la tempête, cathédrales, palais, dont
on ne soupçonnerait pas la présence dans ces
minuscules espaces. Pas plus d'ailleurs que dans le
petit carafon, où un blanc d'oeuf, en diluant ses filets,
nous montre des voyages mouvementés : trains
luttant de vitesse avec des autos, avions emportant
l'être aimé. A première et même à seconde vue, on
n'y voit rien de tout cela, mais la force de per-
suasion de la prophétesse est si grande, qu'on finit
par apercevoir nettement ces engins avec tous leurs
détails. Cette personne, souvent acariâtre, tou-
jours prévoyante, ne consent à lire vos destinées
dans le blanc du bel œuf que vous lui apportez,
qu'après en avoir mis soigneusement de côté le jaune,
qui servira au déjeuner de sa progéniture.
La femme aux épingles est plus aimable, quoi-
qu'elle vous annonce invariablement les querelles
affreuses que vous aurez avec votre amoureux, elle
atténue ces catastrophes en les faisant suivre de
raccommodements délicieux et rémunérateurs, mais
sa science se borne à prévoir des conflits amoureux
car sa clientèle est exclusivement féminine, les
hommes ne prenant pas au sérieux les accessoires
dont elle se sert. Ils réservent leur confiance pour
la classique cartomancienne ou la somnambule qui,
d'un air égaré, supplie qu'on l'aide, quand ses phrases
hachées ne sont pas accueillies avec enthousiasme.
Une autre, qui a disparu, Usait le caractère des gens
auxquels vous vous intéressiez, non pas dans leur
i 7 5
écriture ainsi que cela se pratique journel-
lement, mais dans le linge qu'ils avaient
porté. On pouvait voir sonnant à sa
porte, de jolies personnes, dont le manchon
ou le réticule laissaient échapper une jambe
de caleçon ou un pan de chemise. Une voyante
qui a connu la célébrité parce qu'elle a, paraît-il,
annoncé à une jolie actrice sa fin dramatique au cours
d'une croisière, lit l'avenir dans une bougie. On le lit
dans ce qu'on peut, et la cire qui dégoutte d'une bougie est
une sorte de livre moins répugnant et pas plus ridicule après
tout que les entrailles des victimes sacrées des autels de jadis.
Le malheur c'est que l'un et l'autre ne sont que de bien
pauvres romans-feuilletons. C'est en voulant en donner la preuve que deux
amies de ma connaissance faillirent se brouiller. L'une était crédule, l'autre
sceptique et voulait persuader la première. Elle l'emmena donc chez une
prophétesse célèbre, demanda à cette voyante son avis sur une aifaire qui
n'existait pas, la laissa se tromper grossièrement, et, quand la porte se
fût refermée sur cette
tourna d'un air triom
croyait désabusée. Elle
visage affligé dont elle
regard à la fois furieux
Elle venait de sentir
l'humanité a du mer
absolu du bienfaisant
prendre de même que
ce n'est que pour aider
séance grotesque, se
phant vers celle qu'elle
ne rencontra qu'un
allait rire, quand un
et désolé l'arrêta net.
tout à coup l'amour que
veiîleux et son besoin
mensonge, et com-
si Dieu a créé le Mirage
à traverser le Désert.
SYLVIAC.
176
Costume de Cliasse
Gazette du Bon Genre. — N° 6
Juillet 1920. — PI. 43
MPOSSIBLE HALLALI
Promenond-nouj <iouâ le<s grande
boié... — La chatte accourt; — elle
Càl paààée
(La Tentative Amoureuse.)
IA saison propose, et chacun l'interprète à sa guise. Pour
-/ moi, qui n'ai point d'imagination, l'automne dans la
forêt ne suggère que lui-même, ses habitants farouches, ses
senteurs pluvieuses, et le chasseur que je deviens alors, avec
ses vieux habits de velours à côtes et sa pipe familière.
La chasse, méditation à travers champs, exercice patient
des instincts retrouvés, robuste solitude...
Or ce matin, tandis que j'emplissais des cartouches, mon . '
fidèle Barnabe vint me trouver, l'air un peu scandalisé.
— Y a du drôle de monde qu'est lâché à travers le bois *
des Goupils, déclara- t-il.
— Quelle sorte de monde, Barnabe?
— D'aucune sorte. Comme qui dirait des masques. J'y
177
ons point regardé de près, rappo;
chez nous. Alors j'ai laissé cour'
s est répandu sous bois, sans m'
avait une fille parmi eux. J'ons er
ça vous amusait d'y aller voir...
peut le dire, accoutrés...
— C'est bon, Barnabe. J'â
Et puis, naturellement, deux!
un fusil au bras par contenance, I
servais... J'observais des choses
d'appels et de cris drôles. Les £
c'étaient déjeunes chasseresses, bi
enjambaient souches et ronces a.\
La saison propose, et l'art di
On leur avait donné pour a
texte à leurs jeux, la poursuite «
fallu davantage pour déchaîner
improvisations, que les divinité
demeuraient, à coup sûr, éberlué
Aline, la douce Aline, port»
des revers amarante, et un imme
jambes enfermées dans de haute,-
Est-ce Gallienne la plus co
chausses en sa dignité — et aus
séries, et leur col dentelé.
Pour Luce, je sais qu'elle pi
blanches, et les molletières de (
Mais Clairette — je ne sa
au ruisseau caillouteux, et je maud
est cachée au défaut de la berg
Je laisse la troupe s'éloigne
e bois des Goupils, c'est pas de
iez dit des écoliers en fête. Ça
en jacassant. Et pour moi... y
mi appelait "Aline !" Si des fois
i sont accoutrés — oui, ça on
bats à fouetter,
rôdant vers le bois des Goupils,
m d'aucun gibier de plume, j'ob-
- tandis que la forêt retentissait
vait cru voir mon vieux garde,
ublées de vêtements mâles, et qui
eur légère de faons adolescents.
,ne, à ces entants. Et pour pré-
iprobables... 11 n'en avait point
nsie, et donner cours à telles
de la rivière et du bocage en
lin vert à basques lourdes, avec
evé. Les mains aux poches, les
e a l'air fragile et indomptable,
(ici qu'elle a rétabli le haut-de-
et des belles amazones de tapis-
Pret, la redingote à minces raies
aies.
son costume, car elle se baigne
qu'on appelle roseau. . . Clairette
ne connais d'elle que son rire.
:ux d'entre elles, se tenant par
la taille, restent en arrière. Elles s'assoient sur l'herbe.
Voici l'une qui s'explique avec soin, en fronçant le sourcil
— et l'autre arrondit les lèvres pour mieux écouter.
Elles sont si jolies, que je ne puis souhaiter le départ
d'aucune d'elles, fût-ce pour demeurer seul avec l'autre.
Il est question de quelque amoureux...
— Tu connais son caractère, poursuit Aline. Si tu
l'approches, il se tait brusquement. S'il te voit, il se cache.
— Mais, dit Luce, comment faire alors ?
— Va l'attaquer jusque chez lui. Là, tu t'y prendras
doucement. Avec une longue paille flexible, tu le chatouil-
leras jusqu'à ce qu'il sorte en colère. Tu boucheras alors le
terrier avec une main et tu attraperas le grillon dans l'autre.
Ne t'inquiète pas s'il gratte — mets-le sous ton chapeau,
ainsi ai-je vu faire à papa. Une fois dans ton jardin, le
grillon chantera pour toi.
A ce moment, un gros oiseau fit : Coucou.
Luce et Aline se regardèrent en riant,
puis se levèrent, défripèrent
leurs basques et rejoignirent
la chasse.
Maintenant je suis sûr
qu'elles savaientmaprésence.
La saison propose, mais
les jeunes filles n'osent.
P. L.
7? w 4y
E soir-là il pleuvait sur les pelouses parfaitement vertes. Un
brouillard, semblable à la fumée d'une cigarette blonde, mon-
tait de la rivière jusqu'aux fenêtres du château. Les fleurs
envoyaient des odeurs lourdes à nos grands fauteuils, des odeurs
qui insistaient pour se mêler à celles des liqueurs fortes
servies avec beaucoup de glace dans des verres fragiles et grands. La série
23 e des invités pour la saison avait pris congé après l'heure du thé. La
série 24 e ne devait arriver qu'après une journée d'entr'acte et le duc N...
m'avait gracieusement demandé de passer avec lui, dans la demeure silen-
cieuse, cette soirée de repos. Je levai les yeux vers le portrait du VI e duc
N... peint par Reynolds, du VI e duc si frêle, si beau, si las de ses
mnmSs solanSili^
vingt ans, qu'il semblait porter comme un travesti l'habit de
velours bleu pâle aux boutons d'améthyste violents et le gilet
de satin blançhrodé de bleu et de violet, l'un dans l'autre passés.
Je dis à mon hôte : Ne pensez-vous pas que cette soirée
soit parfaitement convenable pour me donner des notions sur la
pairie et l'héraldique ?
— Oui, c'est convenable. Mais je vous demande la per-
mission de faire éteindre les lumières, afin que ce portrait
n'aperçoive ni mon sourire en parlant des sujets les plus dignes,
ni votre ennui en écoutant.
Un valet de pied, haut comme un mat, respectueux et
insolent, parut' en grande livrée d'été qui est de toile blanche,
l'habit à la française orné de boutons d'argent sans armoiries,
la culotte de satin blanc, les bas de soie blancs et les souliers
vernis blancs à boucles d'argent. Quand il eût éteint le grand
lustre de cristal et les lampes aux voiles variés, la pièce parut
immense et profonde dans la lumière vivante du candélabre à
six bougies de cire que je n'avais pas aperçu mais qui n'avait
pas cessé d'être allumé sur la table du fond, où il éclairait les
photographies de la famille proche.
— La noblesse anglaise, je veux dire la pairie, est la
dernière qui soit sérieuse en Europe, je veux dire qui ait des
droits, des lois, des privilèges et qui soit enfermée dans des
barrières, avec beaucoup de portes ouvertes pour l'entrée.
Elle est dominée par le Roi, qui en est le gardien plus que le
chef. Vous savez que Sa Majesté a daigné bouleverser sa
propre maison à la suite d'une guerre que nous avons soutenue
en 1914- Une décision royale de Juin 1917 a supprimé les noms,
les titres et le sang allemands de sa famille. Les noms de Saxe-
Cobourg et Gotha ont disparu et ont été remplacés le 16 Juillet
-SÇFGNg-LK
par le nom de Windsor. Tous les titres allemands ont été
effacés, ce qui a rajeuni les vieillards etréjoui les jeunes hommes.
S. M. a gardé les armes du Royaume qui sont : " écar-
telé en 1 et 4 de gueule*, a trou léopard* d'or, l'un dur l'autre, armé*
lampa**és d'azur, qui est d'Angleterre ; en 2, d'or au lion de
gueule* enfermé dan* un double tre*cheur, fleurdeliàé du même, qui
est d'Ecosse ; en j, d'azur a la harpe d'or, cordée d'argent, qui
est d'Irlande".
Nos anciens rois ont porté d'autres armes. C'est ainsi
qu'Edouard III écartelait d'Angleterre et de France. Plusieurs
de ses successeurs l'imitèrent et affirmèrent leurs prétentions
sur le royaume dont Paris est la capitale. Ce souvenir n'est
pas plus pénible pour vous que celui de Jeanne d'Arc pour
nous. Cela est même bon à dire ; car cela prouve que les fleurs
de lis sont le symbole de la France quel que soit son régime
et non la propriété de la famille Bourbon. Edouard III n'aurait
jamais pris "l'azur aux jTeur* de II* d'or" si ces armes avaient
appartenu à une famille. Ils les prit parce qu'elles étaient le
bien de la France, qu'il croyait avoir conquise.
Mais laissons cela et passons à la pairie qui comprend
les barons, vicomtes, comtes, marquis et ducs.
Les barons partenure forment le premier ordre de noblesse
introduit après la conquête normande. Ces premiers barons
tenaient leur dignité de la terre d'après le principe féodal.
Moyennant certains services pour la guerre, ils étaient maîtres-
souverains chez eux. Ils étaient de droit membres du Parlement.
Mais les baronnies par te mire sont défuntes et remplacées par les
baronnies demandât. Ces baronnies sont des créations royales. La
première remonte au règne d'Henri III. Le roi ne peut pas
sortir une baronnie de la famille ; mais si le baron n'a que des
QUKEHSBEHK^
héritières la baronnie reste suspendue jusqu'à ce que la volonté royale
choisisse parmi les femmes.
Le roi Richard II a inauguré la troisième forme de baronnie, la série
des barons par lettres patentes, pour Jean Beauchamp. Depuis lors, le
même système est adopté. ,
Les barons ont un manteau de velours cramoisi bordé de fourrure, le
capuchon doublé de même et bordé de deux rangées d'hermine coupées de
queues noires.
Les dames ont le même manteau, mais l'hermine a deux pouces de large
sans mélange de noir et la traîne mesure trois pieds sur le sol. Cette lon-
gueur de la traîne a une grande importance. Elle marque la différence entre
les manteaux des pairesses selon le titre.
Le second degré est celui de vicomte, qui est un titre depuis qu'Henri VI
créa vicomte Jean, baron Beaumont. Cela se passait en 1440. Avant cette
date le nom de vicomte appartenait au sheriff d'un comté.
La dignité comtale est plus ancienne que la conquête normande. Elle
représentait alors la possession d'un vrai royaume féodal. Cela est bien
changé. Et certains comtes, créés par lettres patentes, portent le titre d'un
modeste village. Ils sont si nombreux !
Les marquis avaient, chez nos ancêtres, le devoir de garder les marcher
ou frontières du royaume. Henri VIII abolit leur autorité par une loi.
Le premier marquisat anglais fut conféré par Richard II à Robert de
Vére, marquis de Dublin. Sous Edouard VI ce titre devint à la mode et
depuis lors il s'est multiplié. La Couronne traite un marquis de " très fidèle
et très aimé cousin", comme un duc.
Ce dernier titre est au sommet de l'échelle. Edouard III fit le premier
duc en la personne de son fils aîné, le prince Noir, qui devint duc de
Corn w ail, et plus tard prince de W ailes. Le second titre ducal fut conféré
en i35i à Henri Plantagenet, fils du comte de Derby, créé duc de Lancaster.
Tout duc porte les titres de : "Son Excellence et sa Grâce". La traîne du
manteau de la duchesse est de deux mètres sur le sol, ce qui est très long
et remue beaucoup de poussière.
Je pourrais maintenant vous parler des pairs ecclésiastiques, des pairs
écossais, de la haute noblesse irlandaise. Il faudrait aborder le chapitre des
préséances sur lequel mon vénéré père a réuni 7948 pièces et volumes. Mais
les bougies vont s'éteindre et j'entends dans le lointain de la campagne la
rupture sonore et discordante des cordes d'argent qui ornent la harpe d'or
d'Irlande. Allons lire les journaux, ce qui est moderne, et dormir, ce qui est
étemeL Jean de BONNEFON.
djersador d Xiispahal
JERSADOR d'Idpahal... où cela est-il, et d'abord
est-ce un homme, est-ce un lieu, et peut-on lui
envoyer le bonjour comme au Pirée? Kadhavella...
qu'est-ce que c'est ? Diazilla... l'aimez-vous ; où
le placez-vous ; qu'en faites-vous ?
— La belle attrape, et comme si toute une chacune ne
savait pas que votre premier est un jersey imprimé, et votre
second et votre troisième des velours de laine ! — Les beaux
noms de baptême, en vérité, pour des étoffes, et la riche veine
pour les romanciers à la mode : « La marquise, nature
i85
Divin'déà
Assyrienne*
essentiellement aristocratique et raffinée,
ne se plaisait qu'au contact des djersadors
les plus soyeux. Laissant errer voluptueuse-
ment parmi les diazillas et les kashavellas
les plus luxueux ses
doigts chargés
bagues... »
Mais qu'est-ce
ceci qui s'élève du
désert comme une
colonne de fu-
mée (Sa-
lomon,
Cantique
du Cantiques, m, vers. 6) :
BurnoLUjcu de Djeb'det, idem
2u GbéLiz, les Cafetans de
Koutoubla... Ah ça! est-ce
que toutes les caravanes
du Sud vont arriver ici
avec leur odeur de sable,
de suint, de poil?
Cbâlej de Saïb, Thibettine... Voici les Lamas, ran-
gez-vous ! — « Certes, j'aime le grand Lama » —
JDivuiUèé Ajjyriennej : les guerriers d'Assuérus et
de Sennachérib même peints sur la robe d'Esther, et faisant
le tour de celle dont la beauté était terrible comme une armée
rangée en bataille. Charj de L'Hellade : sur votre jolie chemi-
sette, madame, le char lui-même, et reproduit à la queue leu
leu, dans lequel Cléobis et Biton transportèrent à la fête de
Junon leur mère vénérable. Puis ils moururent subitement
186
Le /llagoL
après cet exploit, don-
nant l'exemple d'une
destinée parfaitement
enviable, tout entière
consacrée à la vertu (Hérodote, Hutoirej,
Livre I, 3i).
Pour l'Egypte, attendez ! Berceau
d'Isis, mère de toute science et de toute
divinité, elle ne saurait avoir été oubliée :
Hiéroglyphes... Vêtues du tissu portant ce
nom, je vous vois, petites odalisques
(pardon : obélisques) attendant chacune
son Champollion particulier. Mais traver-
sons la mer Rouge, voulez-vous ?
Attention, il y a un pas ! A gauche,
le Sinaï et son tonnerre ; à droite, par là-
bas, Mossoul et ses pétroles... Suivez le
guide. Nous arrivons... L'Arabie: l'Heu-
reuse et la Pétrée, les touftes de lauriers-
roses, les caravanes et les villes, tous les
187
parfums de l'Asie en fleur... Tout cela
dans Kcuhemyrina, point géographique
omis sur les cartes, mais figurant parfai-
tement sur les référencer de Rodier.
Grâces lui soient rendues, parce que
ses belles clientes portent dans leurs
toilettes des étofîes dont les noms sont à
coucher dehors, ce qu'à Dieu ne plaise,
étant donné des personnes si charmantes.
Qu'elles sachent du moins une porte où
heurter dans un cas pareil. . .
... AgneLLa, (tissu d'une habile contex-
ture et nouvelle, et tout semblable à la
douce toison Irisée des agneaux); Panécla
(soie végétale) Pellidda, Drapella... Telles sont les litanies
nouvelles dont retentissent nos
modernes temples : les salons des
grands couturiers
— et qu'en répètent
les belles prêtresses :
mannequins et
vendeuses, pre-
mières et secondes
comme les côte-
lettes.
Célio. j
Agnella
VelidM
GROS TEMPS
Costume peur le yacJa.ésia.£
GazeLle
-N° 6
Juillet 1920. — FI. 42
LE DIVAN DE VERONIQUE
JE ne puis mieux vous définir Véronique qu'en vous
révélant que, près d'un bocal où nagent des monstres
chinois, elle vit étendue sur un divan entre une traduction
de Ruysbroeck l'Admirable et des poèmes sibyllins de
iVL Jean Cocteau. De fait, Véronique ne comprend à l'hermé-
tisme du poète cubiste non plus qu'au mysticisme du chanoine
flamand, davantage qu'à l'ensemble désordonné — pourpre,
citron et turquoise morte — qu'elle doit à la fantaisie de
son décorateur. Mais Véronique
est faite pour les contrastes et, res-
pectant d'instinct ce pour quoi Dieu
l'élut, réalise dans ses choix des
antinomies ridicules et délicieuses.
Ce jour-là, Véronique avait
placé parmi ses coussins une négresse
de velours aux cheveux de laine; aune .
109
— Qu'en dites-vous ? fit-elle.
De vrai je n'avais rien à dire et demeurais
dans une " stupeur opaque. "
— C'est que j'attends mon poète, expli-
qua- t-elle.
A quoi je reconnus que le dit
poète, amateur d'art nègre, était
dada. Véronique poursuivait :
— J ai une poupée pour chacun de
mes jours et de mes amis. Voulez-vous
les voir ?
Et, sans attendre ma réponse, elle
alla chercher ces demoiselles. Je vis une
Espagnole en orange et vert, dont les yeux
étaient deux boutons de bottine.
— Est- elle
drôle? fit Véro
nique ; c'es
pour le mard
quand j'offre le thé à mon A]
gentin. Et celle-ci, ra-
vissante, n'est-ce pas?
Véronique m'of-
frait au bout de son
poing tendu un affreux
bébé de coton rose
dont la robe trop
courte se levait sur
un nombril provocant.
— C'est la pré-
férée de Georges.
190
Georges est un bon gros qui adore les
enfants. La ballerine que vous voyez là-
bas est la poupée du jeudi. Ce jour-là,
mon ami de l'Institut ne manque jamais
de venir me faire deux doigts de cour.
... Et soudain j'admirai
Véronique. Je l'admirai
parce qu'elle avait compris
qu'elle n'existait pas par elle-
même. Véronique
ne vaut qu'en
fonction de son
cadre et aussi
des cinquante à
soixante louis de
ses robes. On ne
se la représente
qu'habillée et
parmi ses coussins sur ce divan qu'elle anime le
mieux qu'elle peut. Et si l'on pousse l'audace
— et la difficulté — jusqu'à l'imaginer dans ses
draps augmentés de milans coûteux, Véronique
n'est pas Véronique simple et nue, mais « Véro-
nique en déshabillé de chez Machin. »
Cependant Véronique avait terminé sa revue.
Je revins à elle et à ses poupées : — Je n'en vois
que six, remarquai-je.
Véronique m'expliqua : — Ma porte est consi-
gnée le dimanche. Car Véronique, s'étant efforcée
toute la semaine de mettre un peu de ciel sur la terre, se
repose le septième jour. Louis-Léon Martin.
AVENEMENT DES
AMAZONES
ET hiver, je ne sortirai plus qu'armée.
— Crains-tu si fort les attaques brusquées ?
— JMon ennemi, tu le connais...
— Je brûle de savoir.
— Ne brûle pas : mon ennemi, c'est le
froid. J'ai si peur des grands froids.
— Comme disait notre brave Aïélisande.
— Tu sais que l'hiver me tue. Sitôt que pâlit le soleil, je
m'enroule comme une couleuvre autour des radiateurs ; je me
réfugie sous la cheminée, ou bien, recroquevillée dans le rayon
du foyer électrique, je déclare n'en plus bouger. L'idée de
sortir m'épouvante.
Mais songe, songe, mon ami, à cet amant que je déteste,
au vent qui s'engouffre dans ma robe, pénètre entre les
mailles de mes bas, rampe au long de mes bras et rend ma
192
peau semblable aux vitrages où le givre
dessine ses végétations mortes.
— N'accuse que les folies de vos
modes.
— Les folies ! Les folies sont celles
que vous nous faites faire. Cet hiver, mon
ami, plus courtes que jamais seront les
manches, et même il n'y en aura plus du
tout. La cape
orgueilleuse et
vaine me dra-
pera sans me
protéger. Et
l'on parle de
certains bas tis-
sés en fils de la
vierge ... J ' en
grelotte.
— Les grelots de la folie...
— Patience... N'es-tu pas
encore fait à nos contradictions
géniales? Je sais l'art d'accom-
moder les contraires et de faire
vivre le s paradoxe s. Prends exemple,
petit logicien en faux-col. Le
froid, comme toi, a cessé de
me faire peur. Je le brave, au-
jourd'hui : je suis armée. Nei-
ges, tombez;
u!09 fontaines,
^V V aiguisez vos
193
stalactites ; ouragan, poi-
gnarde-nous dans le dos ;
verglas, prépare tes em-
bûches ; onglée, solidifie
les chairs ! Hiver, ennemi héré-
ditaire, qui déclares l'immobili-
sation générale et pars en guerre
contre la vie, tes menaces me font
rire! Je suis armée, te dis-je. Et
voici mon équipement : d'abord,
j'aurai des bottes jusqu'ici (elle
souleva assez haut sa robe, qui
pourtant était fort courte) et
j'aurai des gants jusque-là (elle
releva ses manches, qui cepen-
dant effleuraient à peine le tiers
de son avant-bras).
— Hélas ! J'avais ouï dire
que le cuir était rare et
cher.
— Petit logicien en
/ faux-col, le bel argu-
/ ment que voilà ! Vous
I a-t-il empêchés, durant
cinq années, de porter,
aux frais de la princesse,
force bottes, leggings,
moufles, ceintures, et ces
inutiles courroies qui
vous ficelaient en tous
sens ? A notre tour,
194
mes
maintenant ! Nous sommes
les guerrières du temps de
paix.
— Vos victoires m'in-
quiètent! J'étais fidèle à
souvenirs. Et j'ai peine, jel' avoue,
à te réaliser en amazone. Encore
si tu brûlais de conquérir la
montagne, de galoper jusqu'au
bout de la plaine, ou de vider les
bois de sangliers imaginaires...
Mais Diane n'est point ta pa-
tronne. L'habit ne 'fait pas le
moine; crois-tu que ces bottes
terribles t'inculqueront du coup
l'amour des grandes randonnées ?
A peine risques-tu centpas avenue
du Bois-de-Boulogne que déjà...
— Quand j'aurai
ces bottes en peau de
mouton retournée, en
daim, en castor ou en
antilope — et fourrées,
mon cher — j'irai jus-
qu'au bout du monde.
— Jusqu'aux forti-
fications ?
— Vêtue comme
un véritable cow-boy,
je me sentirai tous les
courages. On m'a dit
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195
que certains d'entre eux, afin que
l'harmonie soit parfaite entre l'homme et sa
monture, découpaient la peau qui couvrait
les pattes d'un cheval et s'en faisaient des
bottes et des gants. Ces bottes s'assoupliront
à ma souplesse ; le daim aura toutes les dou-
ceurs, le chevreau toutes les finesses, l'her-
m i n e
glissera
le long
de mes
bras et
e singe
voltige-
ra sur l'antilope
— Seigneur, quelle
ménagerie ! Voici
que tu m'entraînes
vers les steppes ou
dans les profondeurs
des forêts vierges. T'y suivrai-je,
chère imaginaire... « L'hermine
glissera le long de mes bras, le
singe voltigera sur l'antilope... »
Mais elle ne l'écoute plus,
et sortant d'une boîte deux ser-
pents noirs comme des
tunnels elle y engouffre
ses bras rieurs.
Mayotte.
196
Av.E.r^AB.Tf-
**
LA SOUBRETTE ANNAMITE
Lolbe du soir de Dœuillet, garnie de ruha
ON T'ATTEND!
jR.obe a organdi et manteau déniant, rie Jeanne iLanvin
iV° 6 ûe la Gazette
juillet 1920. — PL 44
i_ : — _^_
VOICI L'ORAGE!
jR.obe daprès-miai, ae Paul Poirei
A r ° 6 de la Gazette
Juillet iQ2o. — PL jî
E VAS-TU FAIRE
voce au soir, ae VV or th.
APPELEZ URBAIN DE L'AVENUE DU BOIS
Manteau au soir, de Béer
N° 6 de la Gazette
Juillet 1920. — PL. 4j
Un Otudio
>om ûe jl eu
une Lnamore à Loucner
et une v^liamore a Jtnlants
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Gazette du Bon Genre, N° 6. — Juillet 1920. — Croquiô de XXIX a XXXII
JfëedeûuLcaette
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EXPLICATION DES PLANCHES
PI. 40. — Robe du soir en charmeuse bien de nuit, voilée de tuile roéc ptissé.
PL 41. — Costume pour La chasse. Il est compote d'une redingote à colleta superposés et
d'une courte jupe en " burnoussa ". La cravate eôt en piqué blanc; les bottes en veau naturel.
PI. 42- — Pour le yachting, un costume en toile cirée citron, copié sur celui des hommes
de mer : même veste et même pantalon Larges et rigide* ; même chapeau et mémo bottes.
PI. 43. — Voici, de Dœuillet, une robe du soir en pailletteà claires et foncéeà formant deà
Losanges de deux tonâ alternée, La ceinture ed un ruban broché lamé prune et argent.
PI. 44* — La robe de la jeune fille ed en organdi lavande et eàt garnie de roses effeuil-
lées aux pétaleà d'organdi. La grande capeline, pareillement en organdi lavande, ed ornée
d'une rose. Le manteau d'enfant est en duvetine verte avec un petit col de skungs. L'une et
l'autre ôont deà modèleà de Jeanne Lanvin.
PI. 45. — De Paul Poiret, une robe d'après-midi en organdi plissé blanc, voilée de foulard
imprimé.
PI. 46. — Celte robe du àoir, de Worlh, ed un grand drapé en lamé broché roàe. Un motif
de broderie trèà àimple a La ceinture.
*
PI. 47. — Grand manteau du àoir, de Béer, en brocart bleu et or. L'empiècement eàt en
velourà bleu ; le col et leà garnitures en vison.
Croquis de xxix à xxxn. — Quelques meubles de Francis Jourdain. — Croquis xxix.
Un studio. — Croquis xxx. Un coin de feu. — Croquis xxxi. Une chambre a coucher. —
Croquis xxxu. Une chambre d'enfant.
^^^^^^^ ^^* A? %^^^^^^ A? A? **?*** *************
Imp. Studium. Marcel Rottembourg, Gérant.